Les lettres hébraïques, des énergies vivantes – 3ème partie
par Annik De Souzenelle
Compte rendu de la rencontre du 13.12.1979
La lettre Ayin que nous avons étudiée la dernière fois, qui est l’œuf et en même temps la vision des profondeurs, est une des plus belles lettres, parce qu’elle rend bien compte de la loi absolue de la nécessité de descendre dans nos profondeurs si nous voulons atteindre les hauteurs. La vision de la Lumière totale est la dernière acquisition de l’homme. « J’avais entendu parler de Toi, maintenant mon œil Te voit », dit Job.
Nous étudions aujourd’hui la lettre PHE qui a pour valeur 80. Elle est l’initiale du mot Phé, si nous ajoutons seulement un Hé elle signifie : bouche. Souvenez-vous de la lettre Heith qui vaut 8 et qui est la barrière. Barrière qui se dresse devant l’homme qui a vécu le nombre 7, la plénitude qu’il est obligé de casser pour progresser, pour entrer dans une nouvelle octave, de nouvelles structures, lui permettant d’appréhender un autre champ énergétique, le Heith, le 8, se présentant comme le Gardien du Seuil de ce nouveau champ qu’il ouvrira à l’homme qui aura su dire le mot de passe.
Avec Phénous nous retrouvons un peu cette idée. Là aussi il s’agit d’un organe du corps ainsi qu’il en est fréquemment le cas dans le plan des dizaines. Que signifie la bouche pour les Hébreux ? Elle est tout un ensemble vocal. Nous avons été créés par le Verbe Divin et vivre dans ce Verbe Divin, c’est entrer dans une libération. Le Phé, c’est l’idée du Verbe qui nous est donné par la Tradition, du Verbe que nous sommes en devenir. C’est toute la Tradition que nous apporte le Phé et qui en soi est une barrière. Elle est une barrière parce que notre langue est symboliquement liée à l’Épée. L’homme procréateur par le sexe doit devenir créateur par le Verbe dans la dimension duquel nous avons à entrer. Nous ne faisons encore que balbutier, ignorant que notre Verbe est créateur souvent de vie et de mort. Nous sommes des êtres encore coupés de nous-mêmes, ignorant nos possibilités, notre potentiel qui est immense.
L’épée est l’archétype qui va s’exprimer d’une part par le sexe masculin et d’autre part par le Verbe. C’est l’épée à double tranchant qui vivifie ou qui tue selon que l’homme en ait acquis les structures ou non.
Le graphisme de cette lettre Phé est au départ une bouche qui, par la suite se stylise et qui donnera un peu la forme du Phé et qui sera à l’origine du Phi grec.
La lettre Phé est venue se présenter devant le Saint-Béni-Soit-Il, se réclamant du mot PEDOUT qui veut dire délivrance. Et, en effet le Phé est essentiellement liée à la notion de délivrance, de libération, d’ouverture à la Loi qui est un dépassement lorsque celle-ci a été intégrée. Le Christ a dit : « Je ne suis pas venu pour abolir la Loi, mais pour l’accomplir ». L’accomplir, c’est l’ouvrir aux différents octaves auxquels elle se propose à travers un texte. Les Hébreux disent que la Thora peut être lue sur soixante-dix plans, symboliquement, naturellement. Cela veut dire qu’elle peut être lue à bien des niveaux de lectures qui correspondent à différents niveaux de conscience. C’est cela l’ouverture de la Loi.
Mais pour transgresser un niveau pour en aborder un autre, l’homme a besoin de beaucoup de courage. Car pour ceux qui ne peuvent le suivre dans son évolution il va passer pour un être abominable, incroyant. On va le montrer du doigt. Mais lui, il a reçu cette information intérieure qui va lui permettre d’aller plus loin.
Et le Saint-Béni-Soit-Il renvoie la lettre en disant : « Non, tu ne présideras pas à la création du monde, parce que tu commences le mot PESHA, le péché. Ce n’est pas possible qu’une lettre qui commence un tel mot préside à la Création.
Le mot PESHA actuellement veut dire « une marche, une progression ». Et lorsque ce pas se fait dans les conditions que nous venons de dire, la progression doit passer par la transgression. Le mythe de la chute est une transgression non juste qui a fait le drame de l’humanité en la remettant à zéro pour qu’elle reprenne le chemin. Lorsqu’elle est juste, c’est aussi le mot PESHA. L’Apôtre Paul l’emploie lorsqu’il parle de la Loi. Quand il n’y a plus de loi, il n’y a plus de transgression. C’est la situation dans laquelle nous sommes actuellement. Nous sommes dans un monde de lois morales, sociales, car nous vivons dans une jungle qu’il faut bien ménager ; mais cette loi est faite pour un monde infantile. Quand on prend conscience de cela, un jour vient où on est bien obligé de transgresser en sachant que c’est juste. Sans cela nous sommes dans le PESHA.
C’est l’histoire du Christ lorsqu’il transgresse le jour du Shabbath, quand, passant avec ses disciples le long d’un champ il voit un homme qui y travaille. C’est le jour du Shabbath. Les disciples sont scandalisés. Mais le Christ s’adresse à cet homme en lui disant : « Homme, si tu sais ce que tu fais, tu es béni par mon Père. Mais si tu ne sais pas ce que tu fais, tu es transgresseur de la Loi et tu es maudit de mon Père ! ». Ce texte est tellement immense qu’il a été supprimé des Évangiles ! On ne transgresse pas impunément, voilà en quoi le Phé est aussi une barrière.
PAH est un mot qui vaut 88, il veut dire « filet ou le piège ». Avec ces deux 8 nous sommes saisis dans le piège ou alors au contraire, nous passons, nous traversons. Mais nous ne pouvons passer que dans un dépassement des contradictions qui sont en nous. Et quand nous avons au milieu de ce mot le Tav qui veut dire « signe » et précisément « signe de la Croix » dans toutes les traditions, cela donne le mot PATOM qui signifie « ouvrir » et aussi « la porte », nous trouvons le symbole de l’incarnation qui est essentiellement la Croix, puisque nous sommes crucifiés entre le chemin vers le Divin, et toutes les énergies dont nous sommes faits à chaque niveau de réalité. L’homme est au centre de la croix. Et le mot PATOH, ainsi formé et qui signifie « ouvrir » et aussi la « porte », nous ramène au Daleth qui a pour valeur 4 et qui aussi veut dire la « porte ». Le 4 est toujours un arrêt, une porte qui est proposée et qu’il faut ouvrir.
Le mot PESSAH qui est la Pâque avec un Samek qui a pour valeur 60, c’est le soutien, c’est l’arbre, c’est la hampe du drapeau, le mât du navire. Nous trouvons dans PESSAH un peu la même idée que dans PETAR qui est « le passage ». L’Égypte pour les Hébreux était un piège. Or il y a un moment où Moïse se dresse, la personne pensante qui est le pôle d’évolution que nous avons tous en nous à partir du moment où nous cherchons la libération. Nous avons tous un Moïse en nous et aussi un Pharaon qui s’oppose. Mais nous sortons de cette servitude, de ce piège et c’est la Pâque. La pâque chrétienne, c’est la même idée, mais à un autre niveau.
Nous passons au mot PÉLÉ, le miracle, la chose merveilleuse qui rend compte de notre vraie nature. Nous pourrions le traduire mot à mot par « la bouche de l’impossible », Lo étant la négation du mot divin retourné. El. C’est l’ouverture au niveau du Divin, le dévoilement des mystères. Mais Lo est aussi la négation « pas ».
Dans la profondeur le oui et le non sont la même réalité au niveau de ce nom divin qui est au-delà de toutes les contradictions, au-delà de l’être et du non-être. Ce sont les mêmes lettres, donc les mêmes énergies.
Lorsque Dieu se révèle à Moïse dans le Buisson Ardent en tant qu’Il Est, Il se limite, car nous ne pouvons l’appréhender que dans une limite. IL EST et IL N’EST PAS, si bien que ces deux mots El et Lo sont une même réalité. Alors PÉLÉ c’est l’ouverture du Divin, de l’impossible, ouverture du « non », « non ce n’est pas cela, c’est bien au-delà de cela ». Et ce miracle, cette chose merveilleuse, c’est tout simplement l’ouverture à notre vraie nature. Le Phé y préside.
PETEROM, c’est Pierre, l’Apôtre, celui qui ouvre la lignée. C’est celui qui a été choisi le tout premier avec son frère André. Il y a autour de ce mot un immense malentendu. Lorsque l’Apôtre Pierre répond à la question du Christ : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? » — « Tu es le Christ, fils du Dieu vivant ». Le Christ lui dit : « Ce n’est pas par ton intelligence que tu as répondu cela, mais par une lumière de l’esprit en toi. Tu es pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église. » Les mots sont « Tu es EBEN, pierre ». Tu es Eben, tu es une pierre dure, parce que tu participes à la construction du Royaume et sur cette pierre (qui est encore un autre mot : SELA avec un Samek qui nous fait retrouver « le trône divin ») donc sur cette SELA, c’est-à-dire le fondement : « Tu es EBEN et sur cette SELA je bâtirai mon Église ». Ce n’est qu’en français, autour de l’an 1000 que ce jeu de mot a été fait et qui a eu pour résultat que l’Apôtre Pierre et ses successeurs ont été considérés comme la base de l’Église. Ce fut une des causes en 1054, de la séparation de l’Église d’Orient et de l’Église de Rome.
Les Apôtres sont à l’image de la Trinité, comme d’ailleurs aussi l’humanité, où l’un n’est pas plus grand que l’autre, mais égalité absolue entre tous.
La lettre TSADE que nous approchons maintenant est l’initiale d’un mot qui s’écrit : Tsadé–Daleth–Yod. Ce mot rend surtout compte d’une racine TSAD que nous allons retrouver dans beaucoup de mots et qui veut dire : « le côté ». Nous la trouvons dans TSOUD, TSADOH, TSODED qui signifient épier, pécher, dresser des embuscades, chasser. C’est la notion de harponner, d’aller chercher une proie, d’aller piéger quelque chose. En général lorsque nous considérons ces significations nous y voyons de la malice, tandis que là nous sommes devant une réalité qui dépasse absolument notre plan de conscience, car il s’agit du harpon divin.
Et je pense particulièrement à cette phrase que nous trouvons, je crois, chez Isaï, lorsque Dieu dit en parlant de l’humanité, sa future épouse qu’Il va l’emmener au désert, il va l’épier, la saisir, pour qu’Il mette en Lui son plaisir et qu’elle devienne Son épouse. C’est cela qui est la racine de cette idée fondamentale du TSADE. C’est vraiment le harponnage de nos derniers éléments dans la profondeur. Dieu va se harponner en nous. Ce n’est pas par hasard que le Christ a cherché ses premiers apôtres parmi les pécheurs, afin qu’ils aillent chercher dans l’homme le divin qui est en lui.
Le discours qui s’engage entre la lettre et le Saint-Béni-Soit-Il est très signifiant. La lettre vient se présenter en se réclamant de commencer le mot TSADOCH, c’est le mot qui veut dire : le Juste. Melchitsédech est le Roi de la Justice, c’est-à-dire de la « justesse », de l’harmonie entre les deux opposés. Job est Tsedech, Noé est Tsedech, tous ces êtres qui sont justes. Et Dieu renvoie la lettre en lui disant : « Il ne me convient pas de me servir de toi pour opérer la création du monde, attendu que tu dois être cachée pour ne pas donner prise à l’erreur. Car ta forme primitive est un Noun oblique, principe femelle, sur lequel vient s’ajouter un Yod, principe mâle. » Voilà la forme initiale du Tsadé et tel est le mystère de la création du premier homme : il fut créé à double face, deux figures tournées en sens inverse, dos contre dos. Et c’est pourquoi le Yod est présenté de dos et non de face. « Toi aussi, dit Dieu, tu seras un jour divisé en deux, mais tu vas autre part.
Ce qui est à retenir, c’est que le Tsadé est fait de cette rencontre du Noun et du Yod, principe féminin et masculin. Ces deux lettres sont absolument inséparables et constituent ce fameux masculin et féminin d’Adam qui est Yod et Isha (qui n’est appelée Ava qu’après la chute) qui est son Noun, son poisson, sa profondeur et en même temps, le germe du Yod. C’est le mystère de l’ombre que représente le féminin par rapport à l’homme et de l’ombre qui est la Création toute entière par rapport à Dieu. Notre travail c’est d’amener le Noun au Yod pour réaliser la totalité de la Création.
Le Tsadé c’est cette lettre au niveau du 80 qui réalise une totalité accomplie, à l’exception de ce dernier germe divin que nous avons à amener au Yod. C’est cette ultime pêche. Rien d’étonnant alors que Tsadé préside à des mots, non seulement comme Tsad qui veut dire « un côté » (qui appelle l’autre côté), mais aussi à la racine TSEL qui veut dire l’« ombre », c’est-à-dire l’ombre à sa source qui est précisément le Noun par rapport au Yod.
L’homme, c’est-à-dire homme et femme, est l’ombre de Dieu. Nous sommes comme l’ombre d’un Dieu qui est parfait, mais qui est encore — on peut presque dire — inachevé, tant que nous ne sommes pas retournés à Lui. Dieu se fait mâle, le mot souvenir c’est le mot mâle, pour descendre dans son ombre, principe féminin.
Un participant : Quelles sont les voies qui permettent de retrouver son origine, afin d’accéder à Dieu ?
A. de Souzenelle : Chacun a sa voie, il n’y a pas une voie unique. Ces voies peuvent être tout à fait différentes, mais elles se retrouvent toutes à un moment. Et puis elles peuvent changer au cours de la vie. Il est important de trouver son guide intérieur, ce Lamed qui va devenir Tsadé.
Mme Langevin : La Bhagavad Gîta dit qu’il ne faut jamais emprunter la voie d’un autre, mais qu’il faut trouver la sienne propre.
Le participant : Je pensais particulièrement à l’inconscience…
A. de Souzenelle : La descente dans les profondeurs ! Il y a toutes les techniques de descente à l’intérieur de nous-mêmes avec tous les processus analytiques que l’on commence à vivre en occident.
Mme Langevin : Je pense qu’il est important de faire taire son mental qui s’oppose à tout parce qu’il est toujours une volonté personnelle, et de laisser venir l’intuition, recevoir l’information.
F. Catala : Autrement dit dans la méditation…
A. de Souzenelle : Si l’analyse devient mentale, elle est complètement faussée. Il faut casser tout ce cadre mental pour entrer dans l’information des profondeurs. C’est pour cela que le rêve est tellement important. Pour certains une de ces voies de départ sera le chant, le chant grégorien, par exemple. Il casse toute fausse structure et fait jaillir de nous des énergies fantastiques.
Une participante : C’est la voie des mantras.
A. de Souzenelle : A condition qu’elle ne soit pas mentale.
Je voulais encore vous montrer le NETS, c’est le mot qui veut dire « arbre », c’est important parce que notre être tout entier est vraiment structuré sur l’arbre.
Le mot ETSEB est le mot employé dans la Genèse quand Dieu dit : « Tu enfanteras dans la douleur ». Le mot douleur est aussi le mot « travail ». Mais attention ! Il ne s’agit pas tellement de mettre des enfants au monde, que de mettre au monde notre Yod. Le Tsadé est ce harpon qui va dans les profondeurs, qui traverse AV, le nuage dont on peut dire ici qu’il est le dernier, l’enfantement, la mise au monde. Et c’est en même temps la construction de l’arbre. C’est vraiment le travail de l’humanité qui construit son arbre.
Le mot ETSEM veut dire « l’os, le squelette », tout cet arbre du corps. C’est aussi le mot employé par les Hébreux lorsqu’ils veulent parler de la partie la plus intime d’eux-mêmes, quand ils veulent dire : au cœur de moi-même, ETSMI, c’est-à-dire dans mon os. C’est la moelle de l’os qui est quelque chose de mystérieux même au point de vue physique, puisqu’elle contient toutes les réserves des noyaux des cellules du sang. C’est ce qui est absolument indicible, parce que c’est le Soi.
Compte rendu de la rencontre du 10.1.1980
Plus nous avançons, plus les lettres sont chargées et plus nous pouvons appréhender cette langue extraordinaire.
Nous approchons aujourd’hui une autre lettre fort importante, le QOF qui a pour valeur 100. Cela nous met évidemment en harmonie avec la lettre qui a pour valeur 1, c’est-à-dire le Aleph, le Yod qui a pour valeur 10 et même le Aleph final qui pour valeur 1000. Nous entrons à nouveau dans l’unité. Entrer dans l’unité avec le 100 est une chose difficile à appréhender parce que nous pénétrons dans des qualités intérieures qui nous échappent de plus en plus. Si nous n’abordons pas cette lettre avec des mains purifiées, nous pourrons être scandalisés au niveau de notre entendement immédiat.
QOF a plusieurs significations. D’une part il veut dire « le singe », le petit animal curieux et très étrange. Et d’autre part il veut dire ou plutôt c’est QOFITS qui veut dire « la hache », « le hachoir », mais aussi « le chas de l’aiguille ». L’hiéroglyphe de la lettre est une hache double, la fameuse hache de Cnossos. Puis la lettre se penchera de côté et elle donnera en français notre lettre Q. C’est pour cela que les mots qui commencent par un QOF en hébreux, ne devraient pas s’écrire avec un K ; comme par exemple Qabale dont l’orthographe devrait être celui-ci. Le K correspond au KAPH, le creux de la main.
Même si nous ne nous en rendons pas compte tout de suite, il y a pourtant une correspondance étroite entre les significations du QOF, recouvertes par une seule énergie. Quel est le symbolisme du singe dans les différentes traditions ? Le monde animal est un monde extrêmement signifiant. Or le singe, si nous faisons la synthèse du symbole qu’il représente, c’est la sagesse, mais une sagesse qui nous dépasse tellement, que ce sera sous les facéties du singe que nous allons être obligés de l’appréhender, sous cette espèce de singerie qui aide à faire passer un message. L’humour est un peu le symbole de cette vraie sagesse qui peut être scandaleuse pour nous, parce qu’elle est tellement folie à nos yeux. Comme a dit l’Apôtre Paul : « La sagesse de Dieu est folie pour les hommes. Et si tu crois être sage selon le monde, deviens fou. Alors tu entreras dans la sagesse divine ». L’homme totalement accompli, SAKOL, c’est aussi le mot qui veut dire « le fou ». Le Prophète, celui qui voit les cieux ouverts et non celui qui lit dans l’avenir, commence à être cette folie-là. Là il n’y a plus de temps, on est dans un non-temps aussi bien que dans le passé, le présent et l’avenir.
Dans tout l’Orient, ce petit singe représente la sagesse sous forme de trois petits singes dont l’un se bouche les yeux, l’autre la bouche et le troisième les oreilles. C’est le symbole de celui qui ferme ses sens à l’appréhension du monde extérieur pour entrer dans un monde intérieur. C’est cela la vraie sagesse. Il ne s’agit pas de nier le monde extérieur, il nous sert de tremplin, mais il faut que nous allions au-delà, dans un monde beaucoup plus subtil.
Chez les Hébreux, qui est le Sage par excellence ? C’est Salomon de réputation mondiale, à tel point que la mystérieuse Reine de Saba va venir non pas pour une visite de royaume à royaume, mais pour vérifier cette sagesse. Et quand elle l’a vérifiée, elle s’incline devant Salomon et elle dit : « Véritablement, celui-là est le plus sage de tous les sages ». Et à partir de ce moment-là, tous les ans elle lui fait envoyer des cadeaux qui consistent en de l’or, de l’encens, de l’ivoire, des singes et des paons. Ce sont les cinq attributs de la sagesse. L’ivoire, c’est la dent de l’éléphant, et l’éléphant est aussi symbole de sagesse.
En Inde, Ganesha est ce dieu-éléphant qui monte un rat. D’après notre sagesse ce serait plutôt le rat qui monterait l’éléphant ! Mais là tout est inversé. Le rat est symbole de l’intelligence subtile qui s’immisce partout, qui va prendre connaissance de tout. Or sagesse et intelligence sont inséparables. Ce sont les deux Séphiroth qui sont à la base du triangle supérieur de l’Arbre des Séphiroth. Toute intelligence nous conduit à une sagesse et une intelligence divine nous fait entrer dans une sagesse divine. Et Ganesha est celui qui pénètre, grâce au rat qui l’accompagne, les éléments les plus subtils du monde et qui incarne cette sagesse qui dépasse tout.
Il est intéressant de faire se rejoindre les paons et les Chérubins qui, dans la symbolique chrétienne, sont représentés par de grandes roues avec des yeux tout autour. Le paon est exactement comme cela. Les Chérubins sont des Archanges qui gardent le Jardin d’Éden, la dernière porte. Et tout se retrouve dans le symbole du chas de l’aiguille qui est aussi la dernière porte.
C’est grâce à notre énergie intérieure que nous allons passer par les portes successives du QOF qui est le chas de l’aiguille, la dernière porte.
Cette lettre aussi est allée trouver le Saint-Béni-Soit-Il pour prétendre commencer la création du Monde, en se basant sur le mot QADOSH qui veut dire « le Saint » et elle a été renvoyée, parce que, dit le Saint-Béni-Soit-Il, « tu fais partie du mot SHEQER qui veut dire « mensonge ». Le QOF est entouré par le SHIN et le REICH qui, réunis, forment le nom de SARAH, SAR étant le prince ou la princesse. Qu’est-ce que cela veut dire par rapport au mensonge ? C’est là que nous pénétrons dans le scandale, car nous ne pouvons appréhender le mensonge que si nous comprenons que la vérité est absolument inappréhendable.
Ce n’est qu’à travers des morts et des résurrections successives que nous pouvons aller vers la vérité. Ce qui est vérité pour nous aujourd’hui sera mensonge lorsque nous aurons franchi un nouveau pas vers une autre vérité. La vérité est au-delà de la vérité et du mensonge et pour le comprendre il ne faut pas que nous restions enfermés dans notre petit plan de conscience actuel.
C’est dans cette perspective que nous abordons aussi le problème de la ruse. Le Christ Lui-même va louer l’économe infidèle et dire : « Ah ! si les enfants de lumière étaient aussi rusés que les enfants des ténèbres ! » Cette ruse nous pouvons un peu la comprendre grâce au Tsadé, l’hameçon. Quelle ruse qu’un hameçon pour aller chercher un poisson ! Pour nous c’est la même chose : il y a une ruse dans l’hameçon qui nous est tendu pour que nous avancions plus loin.
Et la toute première ruse est celle du serpent en Éden. Le mot AROM employé dans la Bible signifie à la fois « la ruse », « la connaissance » et aussi « la nudité ». La nudité, c’est la connaissance totale, c’est le parfait miroir de la connaissance divine. Et le serpent, « le plus rusé de tous les animaux », sait parfaitement le chemin que l’homme et la femme ont à accomplir et il va se faire barrière sur ce chemin. C’est là toute l’histoire de la chute.
A. de Souzenelle nous cite quelques exemples de ruses « fécondes » : Jacob et le droit d’aînesse, Tamar qui met au monde l’enfant engendré par son beau-père ou plutôt les jumeaux dont l’un, Peretz, sera l’ancêtre du Christ.
Quand on dit que « Dieu sonde les reins et les cœurs », le QOF est encore présent dans le mot HAQOR qui signifie « sonder ». Cette sagesse c’est la sonde divine, c’est elle qui nous alimente qui nous nourrit. Dans HAQOR, les deux lettres qui entourent le QOF forment le mot HOR qui veut dire « caverne ». La sonde, c’est la descente dans la caverne.
On retrouve le QOF dans le mot MAQOM, le « lien » et qui est aussi un des noms de Dieu. Quand après la séparation des eaux du bas et ensuite de ceux d’en-haut, Dieu dit : « Que les eaux se rassemblent dans un lieu UN : EL HAQOM ERAD, quel est ce lieu dans le complexe espace-temps ? C’est le symbole extérieur du lieu intérieur, de notre espace intérieur, de notre champ de conscience, de ce dernier lieu que nous avons à atteindre, le MI divin où il n’y a plus ni temps, ni espace.
Dans RAQIA dont il est question le deuxième jour, lorsque Dieu sépare les eaux d’en-haut et qui signifie « étendue » le QOF au milieu est entourée par le Reich et le Ayin qui, en formant le mot Ra que nous traduisons à tort par « le mal », signifie ce qui est encore dans la ténèbre. Toute création a pour but de faire émerger la ténèbre dans la lumière et c’est cette étendue qu’on appelle CHAMAIM où le mot MAIM, les eaux, est reconstitué.
Le vrai nom de Jacob est YAAQOV. Ce mot est formé sur le mot AQOB, le talon. Or le talon est un endroit extrêmement important dans le corps, il est symboliquement celui qui contient toutes les énergies. Et c’est pour cela que Jacob à sa naissance et à celle de son frère Esaü, tient dans sa main le talon de ce dernier, c’est-à-dire qu’il va prendre en main toutes les énergies qui sont en réserve dans le talon de son frère. Et pour cela il va passer par la ruse. Dans le mot AQOB, QOF perce le AV, le nuage, c’est-à-dire les voiles qui nous séparent de la lumière, qui nous séparent du Père, lorsqu’on l’écrit non avec un Ayin, mais un Aleph.
Un autre mot à connaître est QABALE qui vient du mot QABEL, « recevoir ». QAB veut dire un contenant que nous retrouvons, venu de l’arabe directement de l’hébreu, dans notre mot « Cabas ». C’est le ventre, c’est la matrice et QABEL qui s’écrit avec un Lamed, signifie que tout est mouvement, c’est recevoir. Alors la QABALA des Hébreux, c’est le contenant de la Tradition, qui s’est identifié à la tradition.
En supprimant la lettre du milieu, nous obtenons QOL, la voix divine qui va parler et qu’il ne faut pas confondre avec Kal qui est le tout, la totalité.
Nous parlerons du mot QEDER, l’Orient et aussi l’éternité, quand nous étudierons le Mem final. Dans Qedam nous avons QOM, le verbe venir dans un sens très fort, qui veut dire se dresser et qui est employé pour exprimer la résurrection.
La prochaine fois aussi je vous parlerai lorsque nous étudierons le REICH, d’un mot qui est fait avec le QOF : NIQBA, mot très important qui veut dire « femelle ».
Ce soir nous avons touché une lettre de grande importance, une de celles qui commencent à nous dépasser. Nous sommes encore dans une toute petite intelligence des choses. L’intelligence divine dépasse tout, de même que la sagesse à laquelle nous sommes invités à participer. Nous recevons la vérité qu’en tant que nous pouvons la supporter et à chaque fois que nous la supportons, nous allons plus loin, vers d’autres vérités non encore atteintes.
Compte rendu de la rencontre du 5.2.1980
Nous parlons aujourd’hui de la lettre REICH qui a pour valeur numérique 200 et qui est l’initiale du mot REICH qui veut dire « la tête », quoiqu’il y ait dans sa signification beaucoup de subtilité, car il s’agit surtout d’une notion de principe, de princeps, de tête essentielle. Une fois de plus il est question d’une partie du corps.
Au début le graphisme de la lettre était une tête d’un petit bonhomme barbu qui s’est stylisé par la suite à plusieurs reprises. Puis elle s’est retournée et a donné l’ancêtre de la lettre grecque RO et celle de notre R.
Le premier mot de la Bible est « Berechit » qui a donné son nom au Livre que nous appelons la Genèse. Les Hébreux disent que le mot Béréchit contient tout l’enseignement de la Thora et que même sa première lettre contient tout le premier mot.
Le centre du mot Béréchit que nous étudierons avec le Shin et le Tav, est REICH. Pourquoi le traduisons-nous par « principe », plutôt que par la formule de la Bible, au commencement ? Parce que dans ce dernier cas nous introduisons une notion de temps, de temps historique et nous sommes alors en plein contre-sens qui nous fait ouvrir le Béréchit sur une notion d’histoire temporelle, alors que les premiers chapitres de la Bible sont à-temporels.
Nous sommes dans le monde des principes, au-delà du passé, du présent et de l’avenir, Il Est. C’est une histoire qui rend compte d’une Réalité qui échappe à notre conscience immédiate. Nous sommes davantage dans une notion de principe que de commencement, principalement en ce qui concerne l’homme. Et c’est ce que ne vont pas faire les scolastiques en disant que l’homme a un commencement.
Or l’homme n’a pas de commencement, il est créé de toute éternité, sa dimension est éternelle. Notre existence, entre la naissance et la mort n’est qu’une toute petite partie de nos avatars.
Cette notion, nous l’avons complètement perdue. Dieu à un certain moment dit à Job : « Où étais-tu lorsque je mettais une racine aux montagnes, où étais-tu lorsque je formais la terre ? Tu étais là, car le nombre de tes jours est incomptable, est infini. » L’homme et la création sont créés de toute éternité, nous plongeons là dans un non-temps.
Ce ne sont que nos avatars, à travers nos différents plans de conscience qui sont liés à un temps, à un espace-temps, à un espace intérieur. Mais le jour où nous aurons fait toute l’évolution que nous avons à faire dans les profondeurs de notre être, nous retournerons à ce non-temps. Nous sommes appelés à entrer dans cette dimension d’éternité, dans cette vraie tête.
Pour le moment nous avons une tête très limitée sur nos épaules, qui est enfermée dans la petite prison du plan de conscience auquel nous participons. Le travail que nous avons à faire, c’est de mettre successivement de nouvelles têtes sur nos épaules, c’est-à-dire d’acquérir une intelligence qui pénètre de plus en plus le sens du divin et qui va donner un sens à la vie. C’est le symbole de tous les mythes de décapitation, et même d’événements historiques dans leur dimension mythique, comme par exemple Saint Jean-Baptiste. Il est vraiment le vieil homme par rapport à Saint Jean l’Évangéliste, celui qui mettra sa dernière tête sur ses épaules et qui ne doit plus mourir.
Le mot REICH est formé de trois lettres comme la plupart des mots hébreux qui, en général, sont trinitaires: le Reich, l’Aleph et le Shin. La lettre Reich signifie donc principe, mais principe de quoi ? ECH veut dire « feu ». Dans l’Arbre des Séphiroth nous étions au niveau des pieds dans toute la symbolique de la terre, au niveau des reins dans la symbolique de l’eau, au niveau des oreilles dans la symbolique de l’air et au niveau de la tête toute entière, nous sommes dans le feu. Mais, à vrai dire, c’est tout le corps qui est saisi dans cette réalité feu, c’est toute la montée de la sève dans l’Arbre que nous sommes et qui s’épanouit au niveau de la tête. Le niveau feu est aussi dans les talons, voyez l’histoire de la naissance de Jacob qui tient dans sa main le talon de son frère. Le feu est aussi le principe de l’intelligence, non pas de l’intelligence intellectuelle, mais celle qui pénètre par la contemplation, la méditation, la prière, par une ouverture à la vision intérieure dans les mystères divins qui ne sont qu’une autre facette des mystères de l’homme, les deux pôles d’une même réalité.
Si l’on supprime le Aleph, les deux lettres qui restent, Reich et Shin indiquent la notion de pauvreté. L’Aleph, les cornes qui captent l’information, se fait pauvre. Pour que l’homme accède à sa dernière réalisation, il faut que lui-même fasse sa dernière circoncision qui est celle de tous les encombrements intellectuels, psychiques, de tous ces plans de référence encore sécurisants, jusqu’à arriver à la non-connaissance absolue. Voilà la pauvreté, c’est la dernière naissance.
Une participante fait le parallèle avec la plénitude du vide bouddhiste ou encore avec la Nuit obscure de Saint-Jean de la Croix.Le Roch, le pauvre, retourné donne le mot SAR, la principauté. Les mêmes mots sont donc, selon le rapport des lettres entre elles, soit la pauvreté, soit la principauté, totale réalité, deux pôles en apparence contradictoires, mais qui sont la même réalité. Voilà la beauté de l’hébreu.
Dans le mot Or, se rencontrent l’Aleph et le Reich unis par Vav. Nous en avons déjà parlé avec la lettre Ayin, en montrant que Or, écrit avec un Ayin à la place de l’Aleph, signifie la tunique de peau qui est celle revêtue par l’homme après la chute et qui ne fait que cacher la lumière que nous sommes et que nous recouvrerons lorsque nous aurons mis la dernière tête sur nos épaules. Si nous regardons ce mot Or de plus près nous voyons qu’il est fait de la rencontre au niveau du Vav qui est la conjonction et aussi l’homme, avec le Aleph, la puissance divine créatrice et la réceptivité.
Dans le Reich, la tête, nous avons la réceptivité de la Création et même la résistance, car il ne peut y avoir de lumière s’il n’y a pas de résistance pour la recevoir. Cela est vécu sur tous les plans et particulièrement au niveau de l’affrontement. On n’avance qu’à travers la contradiction. C’est ainsi que devraient vivre les couples. Ils sont formés d’êtres différents ayant des vues différentes. Si ces couples étaient adultes, au lieu de bagarres qui souvent se terminent par des divorces, les avis contradictoires seraient générateurs d’une évolution, parce que la vérité est toujours au-delà de la contradiction.
Dans le mot AROR qui s’écrit avec deux Reich, nous sommes devant le mot qui veut dire malédiction, en particulier la malédiction après la chute. Elle est dans le redoublement de la résistance. Il n’y a lumière que quand il y a un juste rapport entre l’émicivité et la réceptivité.
Nous avons là une ouverture extrêmement importante sur ce qu’il est convenu d’appeler la malédiction après la chute.
C’est notre attitude intérieure qui n’est pas juste et non une punition d’un Dieu extérieur. En réalité il s’agit de la résistance opposée à la lumière qui provoque une rupture d’équilibre. Nous entrons dans la ténèbre. Nous avons aujourd’hui encore à revoir notre attitude intérieure. C’est toute la signification et le but de notre vie terrestre de retrouver le rapport juste.
Le mot BERERAH veut dire l’élection. Il n’est pas le seul à avoir cette signification, mais il est le plus courant. Le Beith, c’est la Création toute entière, c’est un peu l’image de ces têtes successives que nous mettons sur nos épaules. Dans cette image je vois le signe de l’élection, à savoir : celui qui se met en marche. Que signifie la notion de « peuple élu » ? Il est convenu de penser qu’il y a une élection par Dieu du peuple. Mais ce n’est pas à sens unique, chacun de nous participe de ce peuple et nous aussi nous entrons dans l’élection si nous choisissons les épousailles avec Dieu.
Dieu épouse sa Création, c’est le rapport entre le Aleph et le Beith. Et celui qui se met en marche, (BO le mot pénétrer), c’est celui qui choisit l’Aleph final, le couronnement, le mariage de l’incréé et du créé. Et dans ce cas il participe du peuple élu. Le peuple hébreu est le peuple choisi comme prototype de toute l’évolution de l’humanité.
Ce qui arrive aux Hébreux est vraiment ce qui arrive à toute l’humanité successive. Nous sommes tous dans la profondeur, des Hébreux et si nous entrons dans ce choix, car l’élection est un choix, nous commençons à mettre sur nos épaules ces têtes successives, jusqu’à celle qui est totalement informée. Nous sommes celui qui passe, EDER, celui qui va traverser son désert jusqu’à passer sa dernière porte qui est le QOF (le chas de l’aiguille) qui correspond à l’intégration à la Sagesse divine, à la déification.
Le très beau mort BAR veut dire d’une part « le grain de blé » et d’autre part « la pureté » et encore « le fils ». Quand un Hébreu fait sa « Barmitzva » il entre dans cette dimension de fils qui est encore grain de blé. Il faut qu’il devienne BEN, le vrai mot pour fils. Ce grain de blé va mûrir en terre pour renaître et ceci plusieurs fois, jusqu’à ce qu’il entre dans la dimension de l’homme qui est Fils de Dieu. BAR est un des plus beaux mots, ce sont les deux premières lettres du Béréchit que nous verrons plus tard. Ils ont pour valeur 2 et 200 qui sont justement ce « toi » par rapport à « moi » et c’est aussi toute la notion de purification, non sur le plan de la morale, mais sur le plan de nos têtes successives. Et dans cette perspective il est intéressant d’étudier le nom de BARABBAS qui fut libéré à la place du Christ.
C’est le nom qui veut dire : « Fils du Père » (Bar : fils, Abas : mot du vieil hébreu qui veut dire le Père). Il y a là un jeu de balance le Fils du Père doit mourir pour que le fils du père — le malfaiteur qui est Barabbas — soit libéré. Que signifie symboliquement le malfaiteur ? C’est l’humanité qui entre dans la chute. Nous sommes tous prisonniers de nous-mêmes prisonniers de tout. Et puis, au fur et à mesure que nous allons mourir pour ressusciter, nous allons libérer ce grain de blé. Le Christ en effet doit passer par cette crucifixion, par cette mort et résurrection.
Nous allons retrouver cette racine BAR dans un autre mot essentiel de la Genèse, BARA. C’est le verbe qui veut dire « créer ». Nous entrons en plein dans notre Création. Ce BEITH, l’altérité, c’est toute la Création symboliquement qui entre dans la lumière, dans la lumière qui sort de la ténèbre. Et c’est aussi, en même temps cette tête, ce principe, qui va vers l’Aleph final, vers la Terre Promise.
Le mot GUER veut dire « l’étranger ». Qu’est-ce que la Création, si ce n’est « de faire autrement », « faire différence ». Et apparemment contradictoirement, c’est aussi le mot qui veut dire : « habiter », le verbe LAGOUR. Au fond nous n’habitons qu’une terre étrangère. Ainsi il n’a jamais été dit que Job habitait la terre de Uts mais il est de la terre d’Uts. Alors qu’est-ce que la Création sinon l’habitation divine ?
Dieu par l’altérité pose l’autre, et l’habite. Toute la Création est une séparation jusqu’au dernier jour de la Création où nous avons la séparation de l’homme et de la femme, du féminin et du masculin plus exactement. Et lorsque Abram va être invité à aller vers la Terre Promise — début du départ d’Israël — l’ordre divin sera : « Va, quitte ton pays ! » C’est le commencement de la création de l’homme retournant à Dieu.
Il y a un autre mot dans lequel nous retrouvons BAR, c’est le mot DABAR, le verbe. DAVER, c’est le verbe « parler ». Comment est formé le mot DABAR ? BAR, le grain de blé, retourné forme RAV, la multiplication. C’est la racine du mot RABBI, le maître, le supérieur, c’est-à-dire celui qui est entré dans cette multiplication après avoir assumé la croissance, et le RABBIN est celui qui est censé avoir atteint cette multiplication, non pas seulement la connaissance de la Thora, mais par l’intégration dans sa vie personnelle de tout le mystère que contient la Thora.
Alors dans le mot DABAR nous retrouvons la racine BAR ou RAB si nous le prenons dans l’autre sens et nous voyons que la lettre centrale est BEITH. Il s’agit toujours de la Création puisque Beith a été la première lettre qui ait reçu du Saint-Béni-Soit-Il, la grâce de présider à la Création. Et cette Création est aussi la racine DOR (Daleith-Reich), c’est la racine qui va exprimer le cycle : la Création est prise dans les cycles.
C’est par le Verbe que la Création est faite toute entière. Qu’est-ce que le Verbe créateur ? C’est le son primordial, la vibration sur laquelle tout va être moulé. Chacun de nous aussi est modulé sur un son qui lui est propre et qui est participation au Verbe Divin. Toute notre recherche est la recherche du Nom, c’est-à-dire de cette origine que Job va aller chercher dans les profondeurs des racines de la terre.
C’est le Beith qui est posé dans ce mouvement vibratoire qui est le cycle, DOR, qui va faire le mot DOROT, exprimant la notion de « génération » et qui, extrapolé à l’extérieur, signifiera le temps. Chaque élément de notre corps est en même temps sur le plan physique et sur des plans subtils, ce sont des agencements vibratoires. La nature est vibratoire, la lumière aussi en partie.
Nous retrouvons là aussi le mot DAR, l’épine, qui est aussi la notion du temps. Des poètes ont parlé de « l’épine du temps », car le temps est une souffrance, il est dur pour nous. Nous courons toujours après le bonheur, inconsciemment, croyant que l’instant d’après va nous l’apporter. Au lieu d’entrer dans le DOR intérieur, nous sommes dans le DOR extérieur.
Le mot « ronce » c’est DAREDAR, c’est l’entrée dans le monde de la répétition absolument contraire à DOR, la spire divine qui nous fait entrer dans le non-temps où nous retrouvons notre nom et où nous entrons dans la déification.
La même racine (Daleith-Reich) se trouve dans le mot RADO, dominer sur… C’est l’ordre qui est donné à l’homme « Tu domineras sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel… » C’est-à-dire « tu intégreras toutes ces énergies, tous ces plans de conscience qui sont le substratum même de nos champs de conscience différents. C’est le verbe RADO qui implique d’entrer dans ces cycles, d’assumer les spires successives, de les intégrer.
Par dominer sur les poissons de la mer, etc., dans cet impératif, Yiredou nous entrons dans une autre réalité qui est le mot YARED, descendre, de telle sorte que « dominer sur » c’est aussi « descendre dans, aimer, épouser ». Le verbe YARED, ce sont les deux premières lettres de « Jourdain ». Ce n’est pas par hasard, puisque le Jourdain est ce fleuve qui descend implacablement du nord au sud. En descendant dans le Jourdain, le Christ assume ce retournement des énergies qui allaient vers la mort et qui remontent maintenant vers la vie. Pour dominer sur…, il faut descendre dans… Nous ne pouvons dominer que les énergies qui forment nos différents plans de conscience. C’est cela le retournement des énergies.
« Quel est Celui-ci qui est monté, si ce n’est Celui qui est descendu » vont dire les Apôtres le soir de l’Ascension.
Revenons au mot DABAR, Verbe, au niveau duquel il peut y avoir tant de contradictions. Si vous prononcez DAVAR il voudra dire « la chose ». Or, actuellement le Verbe est « chosifié », on n’entre plus dans sa profondeur, mais on choisit le message. Or la chose, c’est précisément le Verbe qui est le seul objet absolu. En objectivant le Verbe nous le tuons. Mais si nous vivons le Verbe de façon à entrer dans l’archétype même de ce qu’il est, c’est le seul objet, la seule réalité objective. Tout le reste est subjectif.
Avec ce même mot DABAR nous avons encore « la parole », DAVAR, « la chose » et DEVER, « la peste ». Ce mot DEVER est employé pour les plaies d’Égypte, mais il ne s’agit pas d’une peste importante, il s’agit de la parole divine qui nous est révélée dans ces plaies. Ce sont bien sûr des épreuves, des fléaux, mais si nous entrons dans l’intelligence de l’événement, c’est la Parole à l’envers, c’est-à-dire que c’est l’homme qui est passé à côté d’elle et que, par conséquence, il va vivre le contraire, la maladie, c’est-à-dire l’épreuve. Donc, avec ces trois mots nous trouvons à chaque fois des retournements d’énergies. DAVAR est la charnière avec d’un côté la Parole et de l’autre la peste. C’est l’épée à deux tranchants qui est vie ou mort selon que nous la vivions ou que nous la refusions.
Encore un dernier mot : REGUEL, le pied. Nous retrouvons la racine GAL, la libération. Le pied c’est la libération de la tête. Cela a l’air contradictoire, mais si vous avez étudié le symbolisme du corps, vous vous souviendrez que Jacob, à leur naissance, tenait en main le talon de son frère, c’est-à-dire qu’il va prendre ses énergies pour un jour poser la vraie tête.
L’homme totalement réalisé, c’est celui qui a fait monter toutes ses énergies symboliquement des pieds jusqu’à la tête. C’est l’orobouros des Mexicains, c’est l’homme du tympan de Vézelay dont la tête rejoint les talons, c’est le cercle totalement accompli.
Le mot pied veut aussi dire « la fête », parce qu’il contient en potentiel toutes les énergies que nous avons à amener en haut. Et alors, ce sera la fête. Le mot pied est un mot très important, très fondamental. Il signifie beaucoup plus que la simple partie du corps. Dans la description du Char d’Ézéchiel, les Ayoths ont des pieds de veaux. Le veau, c’est ce petit taureau en puissance, le taureau, ce sont les cornes, c’est l’Aleph final. C’est la couronne, le commencement et la fin, l’Alpha et l’Oméga.
Compte rendu de la rencontre du 13.3.1980
Nous revenons à la lettre REICH que nous avons étudiée en février, et qui signifie la tête dans sa notion de principe, correspondant au triangle supérieur de l’Arbre des Séphiroth, à la base duquel il y a les deux Séphiroth : l’intelligence et la sagesse. Notre tête est informée par notre degré d’intelligence, d’intelligence non intellectuelle, mais d’intelligence participant à la sagesse divine, capable d’appréhender les éléments les plus subtils, d’entrer dans des champs de conscience de plus en plus profonds.
Dans notre démarche essentielle vers la vérité et la lumière nous faisons des expériences fondamentales, mais qui devront être éloignées de nous une fois vécues, car notre grand danger est celui de l’installation.
La première partie de notre vie se fait dans des catégories d’honnêteté, de devoir, de vertu morale. Les différents amis qui viennent voir Job pour lui prodiguer des conseils moraux sont éliminés par lui, car il sent que ce n’est pas cela, qu’il y a autre chose. Puis arrive le dernier ami, Elihu, celui qui entre dans une autre dimension de l’esprit. C’est le prophète capable d’entrer dans des perspectives eschatologiques et dans des perspectives divines.
La plupart des gens sont encore des êtres morts qui gardent toujours la même petite tête sur leurs épaules, même si, sur le plan de la culture, ils sont intelligents. Car ils n’ont pas atteint l’intelligence essentielle qui est « folie ». C’est quand nous nous trouvons devant ce qu’on appelle l’absurde que nous mettons une autre tête sur nos épaules.
Nous étions restés la dernière fois sur le mot DABAR qui signifie « la parole » et sur le mot LANOR qui veut dire « le mâle ». Je vous avais dit lorsque nous avons étudié la lettre QOF, que le mot NEQEVAH était très important. C’est la femelle. Dieu, dans la Genèse, créant Adam, à son image, le crée mâle et femelle. Le mot créer apparaît rarement dans la Genèse, il apparaît au premier jour, au cinquième et au sixième. En dehors de cela Dieu parle et la chose Est.
Par contre le sixième jour qui est celui de la création de l’homme, le mot créer, BARA est répété trois fois et la troisième fois c’est pour exprimer sa dualité mâle et femelle. Cette dualité n’est pas celle que nous ramenons au niveau de notre petite intelligence. Car quand Dieu crée Adam mâle et femelle, Il les crée ZACAR, le mâle, Nequêvah, la femelle.
Or la lettre centrale du mot « mâle » est un CAPH, lettre femelle, symbole de réceptivité et que celle du mot « femelle » est un QOF, lettre mâle symbole de la hache qui fend la dernière tête. Nous sommes là devant une dualité, qui est intimement liée, il y a une communion intime entre le masculin et le féminin. C’est un peu comme le Yin et Yang par rapport au TAO.
Que signifie le mâle ZACAR ? Les deux lettres qui entourent ce contenu que représente le CAPH, c’est la racine ZER qui va donner des mots forts importants exprimant la lumière, par exemple ZERA, la semence. D’ailleurs le REICH et le ZAIN sont deux lettres qui forment le nombre 207 qui est le nombre de la lumière. C’est un contenant de lumière.
Souvenez-vous de la signification de la lettre ZAIN qui est la flèche qui traverse la tunique de peau, cette peau animale qui est notre première terre, notre champ de conscience correspondant au sixième jour. La flèche est appelée à traverser nos plans de conscience successifs, c’est-à-dire à les pénétrer, à les épouser. Voilà le rôle mâle. C’est pourquoi le mot ZANOR, mâle, veut aussi dire « se souvenir ».
Être mâle, c’est se souvenir de ce que nous sommes, de toutes nos réserves d’énergies qui ne sont pas encore parvenues à la lumière et que nous devons y amener.
Lorsque dans la Genèse Adam reçut l’ordre de labourer, de travailler la terre, c’était pour l’épouser, pour épouser nos terres successives, nos terres intérieures. Et quand nous avons épousé tous les champs de conscience qui sont faits de ces énergies successives, nous devenons le dieu que nous sommes.
Par rapport à cela que veut dire le mot NAGOF ? C’est le trou ou le verbe trouer, mais, et nous trouvons là toute la subtilité du mot, c’est aussi le verbe nommer. Un vieil adage dit : La vérité est au fond du puits. Si quelqu’un a le pouvoir de nommer ou d’être nommé, c’est qu’il contient le Nom. Dans NAGOF il y a la racine CAB qui signifie Cabas, c’est un récipient.
Le nom en nous, c’est le germe, c’est notre vibration initiale, le son essentiel à partir duquel chacun de nous est modulé. Nous sommes tout un agencement de vibrations liées au Verbe Divin qui nous a créés. Ce nom originel fait que chacun de nous a son nom secret, obéissant à une modulation différente. C’est le grand mystère de l’hypostase, diront les Pères Grecs de l’Eglise, de cette nature en dessous de la nature divine et dont chacun de nous a son unicité.
Nous ne pouvons connaître notre nom qu’en faisant œuvre mâle en nous lorsque nous descendons dans ces profondeurs, dans ce « trou » qui contient notre nom, celui que Job va chercher dans le poisson, dans le germe, le NOUN de NAKOF, et qui lui confère une dimension fantastique, vibration participant à la vibration divine. C’est l’accomplissement total.
Dans la Genèse Dieu emmène Adam, à la fois mâle et femelle, dans les profondeurs en lui montrant tous ces champs de conscience (son côté femelle) qu’il a épousés et Il lui dit : « Vous êtes deux, vous devez devenir un ».
Le drame d’Adam après la chute, lorsqu’il a mangé le fruit, c’est de croire qu’il est arrivé, qu’il a dépassé toutes les dualités. C’est pour cela que Dieu le remet en bas de l’échelle. Dans le dernier apophtegme de l’Évangile de Saint-Thomas, le Christ dit : « Si la femme ne devient mâle, elle n’entrera pas dans le Royaume des Cieux ! » C’est-à-dire, si le monde femelle ne commence pas son travail intérieur.
A la fin du déluge il y a cette phrase extraordinaire : « Et Dieu se souvient de Noé ». C’est le mot ZAHOR et voici ELOHIM ZAHOR, Dieu se souvient et fait œuvre de mâle dans l’humanité, afin que la Terre, devenue divine, puisse être pénétrée par Dieu. « Dieu se souvient… » revient très souvent dans la Bible. Quand nous chantons pour nos morts en demandant pour eux la « mémoire éternelle » nous demandons qu’ils continuent leur vie mâle après la mort — si tant est qu’ils l’aient commencée avant — ou, du moins, qu’ils l’accomplissent après leur mort physique. Cette notion du mâle et de femelle me semble fondamentale, elle transforme notre compréhension de la Genèse.
Parlons maintenant de la lettre SHIN. Elle a la forme d’un trident avec, en plus un point ici pour exprimer le son che et un point de l’autre côté lorsqu’elle exprime le son se. Elle a pour valeur 300. Avec le GUIMEL, le chameau nous avons le nombre 3 et avec le LAMED, l’aiguillon, le nombre 30. Avec le SHIN nous trouvons une autre forme d’énergie, car en réalité elle signifie la dent qui contient tout un symbolisme.
Après avoir représenté graphiquement un arc tendu, la lettre va se transformer, ses angles vont devenir beaucoup plus aigus, puis elle va se tourner pour devenir le SIGMA grec et pour donner notre petit serpent, le S. Avec la lettre actuelle nous sommes très proches du trident dont restent les trois branches.
Quel est le symbolisme de la dent ? Avec le CAPH nous avons vu que la dent de l’éléphant offerte à Salomon était signe de sagesse. Dans mon livre sur le Symbolisme du Corps, je me suis appuyée sur deux mythes, dont l’un, je dirai, est une pseudo-réalisation de l’homme et l’autre, sa totale réalisation : le mythe de Jason qui va voler la Toison d’Or pour qui il n’était pas mûr. La Toison dévoilée, va se retourner contre lui. Dans le deuxième mythe, celui de Cadmos, chargé par les dieux d’aller fonder la ville de Thèbes, les héros doivent prendre les dents du dragon et les planter dans la terre. Et ces dents vont germer et d’elles vont naître des guerriers tout habillés avec leurs armures. L’ordre est donné à Cadmos de jeter des pierres au milieu de ces guerriers qui, se croyant attaqués, vont s’entretuer. Et ce sont les derniers, les plus vaillants, qui ont survécu, qui vont avec Cadmos fonder la ville de Thèbes qui est, pour les Grecs, ce que la Jérusalem céleste est pour les Chrétiens, et même pour les Judéo-Chrétiens. Donc, pour construire cette Théba, il faudra vérifier la qualité des pierres les dents sont des pierres — et la pierre qui est posée au centre, est celle exprimée à travers tous les Psaumes, les Prophètes, c’est la Pierre d’Angle qui, pour le Christianisme, est le Christ.
C’est la pierre de finition que, symboliquement, nous devons devenir. Les dents sont donc les pierres de fondation de notre édifice essentiel. Lorsque nous perdons une dent, nous changeons de terre. Il y a d’ailleurs une denture liée à chaque âge physique : la dent de lait du petit enfant, celles de l’adulte censé changer de terre et dont les dents doivent devenir de plus en plus proches de la qualité de la pierre d’angle, et les personnes très âgées, autour de cent ans, connaissent une nouvelle denture, mais très peu d’entre elles font cette expérience.
Dans les rêves, le rôle que jouent les dents est très important. Chaque dent est signifiante. Les Anciens disaient que quand nous rêvons que nous allons perdre une dent, cela signifie que nous allons perdre un membre de notre famille. Ce sont les pierres de fondation de la famille. J’ai vérifié que cela était vrai lorsqu’il s’agissait des dents de dessous, tandis que les dents supérieures sont nos propres fondations.
Le symbolisme de la dent, pour moi, est celui de la qualité de l’être, la pierre de finition étant notre dernière terre. Nous verrons cela avec le mot EBEN qui signifie la pierre.
Dans la lettre SHIN, c’est notre structure de fonction trinitaire. Nous sommes des êtres trinitaires. Avec la femme ISHA, lorsque dans la Genèse elle voit que l’Arbre de la Connaissance est beau à contempler, bon à manger et désirable pour acquérir des pouvoirs, nous sommes devant les trois énergies fondamentales de notre être : jouissance, possession, puissance.
Le SHIN, c’est notre noyau énergétique représenté par un arc tendu, retenu dans tout son potentiel de détente, qui n’a pas encore donné son secret pour que tout éclate. C’est l’ouverture de la boîte de Pandore que nous vivons actuellement avec la guerre, les conflits, avec la fission de l’atome investi dans la bombe atomique. Notre travail à chacun de nous, est de ramasser ces énergies, de fermer la boite et puis d’aller chercher celui qui est capable de l’ouvrir.
SHIN forme le mot SHEM qui est notre nom. C’est la matrice de SHIN, le potentiel énergétique de notre noyau, de notre force nucléaire. C’est pour cela que le SHIN est la lettre la plus fondamentale de l’alphabet hébraïque.
Lorsqu’elle est venue se présenter devant le Saint-Béni-Soit-Il pour présider à la création du monde, en se réclamant du très beau mot divin SHADAI, le Tout-Puissant, celui-ci la renvoie en disant : « Tu es digne, tu es bon, tu es vrai, mais les faussaires se serviront de toi pour affirmer leurs mensonges en t’associant les deux lettres QOF et REISH et former le mot SHEQER, le mensonge. Aussi, bien que tu sois vraie, ô lettre SHIN, puisque les trois patriarches seront réunis en toi, il ne me convient pas de me servir de toi pour opérer la création du monde ! ».
Qu’est-ce que « les trois patriarches » ? Ce sont Abraham, Isaac et Jacob, les terres de fondation d’Israël, trinité fondamentale de la création d’Israël et co-extensivement, de l’humanité et du monde. De quoi est fait le mot SHADAI ? du SHIN, du DALETH et du YOD.
Si nous prenons la racine SHIN qui passe par DALETH, les portes, cela signifie que, recevant de l’énergie divine, nous ne pouvons recevoir que ce que nous pouvons supporter. C’est toute l’économie divine. C’est comme un fleuve qui va passer par des portes et arrivé au moment où il sera tout calme, si nous le retournons — puisque ce sont des énergies qui doivent se retourner — va nous permettre de passer les portes dans l’autre sens et de retourner à nos sources. Dans le baptême du Christ il est dit : « Qu’as-tu Jourdain à retourner en arrière ? ».
SHAD veut dire sein. C’est en se donnant en nourriture à sa Création que Dieu se révèle et, comme une mère donne son lait à ses enfants, Il nous donne ce dont nous avons besoin pour vivre et pour nous accomplir. Et DAI veut dire assez, suffisamment, c’est-à-dire suffisamment à chacun de nos niveaux énergétiques.
Pris dans l’autre sens c’est le mot YAD, la main qui est aussi le même mot que YOD, qui profile tout le YOD-HE-VOV-HE. On peut ajouter que dans le mot DASHE, la verdure, nous retrouvons les deux lettres de sein, Dieu dit dans la Genèse : « Que la terre produise de la verdure ». C’est la verdure qui va être notre nourriture et les fruits des arbres oui portent tout leur potentiel de fruits en eux. C’est l’énergie divine, DASHE est la verdure qui nous conduit vers l’ALEPH final.
Dans l’autre sens ESHED veut dire chute d’eau, c’est tout le déversement de l’énergie. Nous avons déjà parlé de SHEM qui est le nom et qui a fourni le mot SHEMA qui signifie entendre. C’est le mot fondamental chez les Hébreux puisqu’il figure dans leur prière récitée plusieurs fois par jour : SHEMA ISRAEL… « Écoute Israël le Seigneur ton Dieu, le Seigneur est Un » ; YOD-HE-VOV-HE justement. C’est l’écoute des profondeurs, c’est est 1’écoute de son nom, la révélation du Nom. Quand l’homme écoute, il y a aussi Dieu qui écoute l’homme.
Dans la Bible lorsque Sarah, jalouse d’Agar la servante qui a eu un fils alors qu’elle-même était stérile, exige d’Abraham qu’il la renvoie, Agar est très malheureuse. Elle s’en va emportant une cruche d’eau. Mais voilà que l’eau vient à manquer. Elle met l’enfant derrière un petit monticule de sable afin de ne pas entendre ses cris, car elle pense qu’il va mourir. Et là, elle a la visite de l’Archange Gabriel qui lui dit : « Dieu a entendu l’enfant qui s’appellera Ismaël », c’est-à-dire « vous entendez ». Or tout l’Islam a été entendu de Dieu, tandis qu’Israël doit entendre Dieu. C’est un très beau peuple que celui d’Ismaël. Il a une fonction fondamentale dans le monde, parce que Dieu, après avoir entendu le cri de l’enfant, fait apparaître un fruit pour le désaltérer.
Par rapport à Ismaël, Israël est aussi un très beau nom. C’est celui que reçoit Jacob après s’être mesuré avec l’Ange qui, d’ailleurs dans la Bible est un homme ISH, syllabe qui est au début d’Ismaël et d’Israël. Et si la tradition orale en a fait un Ange, c’est qu’il traduit l’homme dans sa dimension d’immense accomplissement. Il ne lui dit pas son nom, mais il lui dit : « Tu t’appelleras désormais Israël, car tu as combattu avec Dieu et avec l’homme ». Le verbe combattre c’est SARO, c’est le combat pour atteindre la Royauté, car nous retrouvons aussi la racine SAR qui a donné le nom de SARAH, la Princesse.
Le combat, l’écoute, est au cœur d’Israël, alors que l’ordre du Coran est SAKO, combat ! Ismaël a son nom centré sur la racine SHE-MA, tandis qu’Israël est structuré sur la racine SARO, lutter. Il y a une intimité extraordinaire entre ces deux frères ennemis, enlacés l’un dans l’autre, qui ne peuvent pas se séparer et qui doivent s’accomplir dans l’amour et non dans la haine, les deux noms portant le nom de l’homme ISH et EL, Dieu.
Compte rendu de la rencontre du 8.5.1980
Nous étudions aujourd’hui la lettre TAV, la dernière de l’alphabet hébraïque, ayant pour nombre 400, homologue de DALETH (4) et du Mem (40). Elle signifie « la marque », « le signe ». A l’origine elle était représentée par une Croix. Puis, à partir du XIIe siècle, elle s’est redressée, formant le Tau grec et notre T actuel, auquel il s’est identifié, nous ne savons pas par quelle surprenante évolution.
Pourquoi le signe de la Croix est-il à la base de la lettre TAV ? C’est peut-être parce que la Croix illustre le mieux ce que nous appelons les « symboles », mot qui signifie « lancé ensemble », c’est-à-dire réunir deux éléments qui étaient séparés. C’est le rapport du signifiant au signifié, dont ce dernier est apparemment séparé, mais qui, en réalité, est l’élément de base qui permettra de remonter à l’archétype dont il procède. Autrement dit, tout ce qui est divin est dans l’Unité, lorsqu’il s’exprime dans la manifestation, il se crucifie, car il entre dans la dualité. Le TAV est le cordon ombilical qui relie le haut au bas, qui est la voie de l’incarnation et, en même temps de la crucifixion. Chaque élément de la Création est relié par le cordon ombilical à son archétype, c’est-à-dire le signifié à son signifiant. A chaque niveau de création, la manifestation implique une crucifixion, parce que celle-là se fige dans l’espace-temps. Il y a un retrait du Divin dans une forme apparente qui cache l’archétype, mais qui non seulement en même temps l’exprime, mais qui porte en soi toute l’énergie nécessaire pour pouvoir remonter jusqu’à lui.
Les Hébreux emploient le mot Tsintsoum pour parler de la contraction du Divin qui se cache dans le temps, moteur profond de l’évolution de chaque élément de la Création.
Chaque fois que nous avons à franchir un échelon de l’échelle, nous sommes crucifiés à la terre à laquelle nous arrivons. Nous sommes des passagers sur cette terre, mais aussi sur toutes les terres intérieures que nous devons conquérir et qu’il faudra lâcher les unes après les autres, pour finalement les conquérir toutes. L’Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal, ou plutôt de la dualité, sera alors totalement intégré.
Adam a voulu goûter de cet Arbre avant d’avoir véritablement conquis toutes ses terres intérieures. Le drame a été au bout, c’est-à-dire la crucifixion du Divin qui descend dans le monde et crucifixion du monde qui doit retourner au Divin. Et c’est ce que nous vivons actuellement de façon très douloureuse.
Deux aspects vont parfaitement illustrer cette descente et cette remontée. C’est le Shabat qui est l’objet du septième jour de la Création, quand tout a été mis en place et qu’il est dit : « Dieu se retire ». Nous en trouvons l’explication dans la manière dont se construit le mot shabat. Le BEITH se trouve au centre, c’est la Création et les deux lettres qui l’entourent forment le mot CHETH qui donnera le nom de SETH, frère redonné à Caïn à la place d’Abel qu’il a tué et qui est à la base de toute l’humanité, puisque c’est à partir de SETH que nous voyons apparaître tous ces Patriarches qui sont l’humanité en marche.
CHETH qui veut dire « le fondement », « la base », est un mot très intéressant, parce qu’il est formé du SHIN qui a pour valeur 300 et du TAV qui a pour valeur 400. Et vous vous souvenez que, par analogie le 3 et le 4 ont reçu l’ordre de ne jamais se séparer, parce que l’un est mouvement et l’autre structure. C’est le GUIMEL et le DALETH qui se réunissent dans un juste rapport, donnant le mot GAD, bonheur, ou encore toit de la maison. Nous les retrouvons tous les deux : le SHIN = 300 qui est cette pierre des profondeurs, notre noyau qui contient toute l’énergie, notre force musculaire, et le TAV qui représente les structures de ce SHIN. C’est donc le fondement de tout être, de toute création et de chacun de nous en particulier.
Ce retrait divin est un fait de base et le fondement même de la Création, Dieu se retire tout en ne se retirant pas, car s’Il se retirait, ce serait la fin de la Création qui n’aurait plus aucun pouvoir de retourner à son archétype. Il y aurait eu cet expire qui est la Création, mais il n’y aurait pas cet inspire qui est notre histoire. C’est cela le Shabat.
Nous avons vu que le BEITH est un même mot que le BATH, avec un Yod au milieu et qui est la deuxième lettre de l’alphabet, qui a la valeur 2 et qui signifie « la maison ».
Or qu’est-ce que la maison ? C’est la fille grosse du Yod, c’est la Vierge d’Israël qui doit mettre au monde l’Enfant Divin.
Elle est cette Vierge construite sur le SHIN, cette force nucléaire à la base de la Création, qui est le noyau central à partir duquel chacun est programmé et duquel chacun de nous participe par le Nom secret que nous ne connaissons pas tant que nous ne le sommes pas devenu, mais vers lequel nous allons.
Et ce SHIN en nous qui forme le SHEM, le nom, est cette force nucléaire par laquelle, lorsque nous avons trouvé un tout petit peu notre place dans le monde, nous commençons à être en communication, qui nous module, nous vibre et nous donne la possibilité du retour à l’Unité. Voilà ce qu’est le SHIN pour chacun de nous, pour la rose, pour le moindre brin d’herbe. Il est notre être propre qui, à partir du moment où nous en devenons conscients, est à la base de notre processus d’évolution. L’évolution c’est la mise en rapport avec le SHIN. C’est là encore une manière de lire le mot SHABAT.
Le SHABAT, c’est-à-dire Dieu se retirant, tout en restant présent très discrètement, nous rend libres afin que nous puissions « jouer » avec Lui, Le nier ou Le faire vivre ou Le devenir. La véritable liberté est justement de devenir, c’est là que nous nous libérons au lieu d’être enchaînés, l’autre n’est qu’apparente. C’est le mot TSEMAH, la germination, qui illustre le mieux le travail de la création. La germination, c’est le germe qui contient le Tsintsoum divin, la « Kenos » divine, comme l’appellent les Pères de l’Église. Vous voyez la contradiction apparente, il y a retrait divin dans le Tsintsoum et puis, à partir de là, TSEMAH, la germination du Divin en chacun de nous, que nous l’acceptions ou le refusions, l’accomplissions ou non.
La Création toute entière, comme notre histoire, est un immense tissu fait d’une trame et d’une chaîne qui sont d’une part le SHAMAÏN — le SHEM, le germe en nous et, d’autre part, notre vie de chaque jour que nous assumons à travers toutes nos terres successives. Et c’est pourquoi le signe de la Croix est fondamental.
Il est important de connaître le petit mot ETH, fait de la première et de la dernière lettre de l’alphabet, en grec nous dirions de l’Alpha et de l’Oméga. C’est pour les Chrétiens toute l’Apocalypse qui est basée sur ce travail de l’Alpha et de l’Oméga. C’est d’ailleurs pareil pour les Juifs, puisqu’ils disent que d’aller du Aleph au Tav, c’est accomplir toute la Loi, c’est arriver à l’Unité. Sous des formes différentes nous parlons le même langage.
Ce mot ETH est si important qu’il ne se traduit pas. Il ne signifie pas quelque chose de formel, mais il contient tout dans l’informel. Lorsqu’Eve met au monde Caïn, elle dit : « J’ai acquis un homme » : ISH-ETH-YOD-HE-VAV-HE. On traduit ETH par « à l’aide de ». C’est un non-sens. ETH introduit un complément direct qui est la clef de toute la dimension de YOD-HE-VOV-HE, à savoir que ISH, l’Homme, même après la chute, reste à la ressemblance de YOD-HE-VOV-HE, avec toute la dimension de l’homme dans son devenir. C’est sa structure. Chacun de nous est ce YOD-HE-VOV-HE et chacun de nous participe au Nom sacré. Le drame exprimé par ce mythe de la chute, c’est l’homme qui a perdu le chemin de la ressemblance.
Entre ALEPH et TAV il y a tout le dynamisme de notre devenir, c’est toute notre évolution qui se profile. L’Homme reste intact, dit l’Eglise Orthodoxe, ce que nie l’Eglise Romaine. Ce petit ETH, c’est toute la Loi dans sa profondeur signifiante qui est ramassée du ALEPH au TAV, qui recouvre non seulement le Judaïsme, mais aussi le Christianisme qui est contenu dans le Judaïsme, mais à d’autres niveaux de lecture.
Les lettres s’étant présentées en commençant par la dernière, devant le Saint-Béni-Soit-Il, le TAV, donc la première à se présenter, avait toutes les raisons pour espérer obtenir de commencer la création du monde, se référant au mot EMETH (Aleph – Mem – Tav) qui veut dire « vérité ». « Terminant ce mot, dit-elle, j’ai droit de présider à la création du monde ». Le Saint-Béni-Soit-Il la renvoie et lui dit : « Tu en es en effet digne, mais il ne convient pas que je me serve de toi pour opérer la création du monde, car tu es destinée à être marquée sur le front des fidèles qui ont observé la Loi du ALEPH au TAV et à être mêlée ainsi à la mort ». C’est le ALEPH qui passe par des morts, c’est-à-dire par des crucifixions, ainsi que nous l’avons déjà dit.
Le mot EMETH qui est aussi la Création, qui est l’Homme en particulier, allant de l’ALEPH au TAV, passe par le MEM qui est la matrice dans laquelle se vit évidemment une mort. Non la mort telle que nous l’entendons, mais identifiée à une mutation, c’est-à-dire au début d’une germination fantastique.
Le Christ va dire : « Je suis la Voie, la Vérité, la Vie ». Celui qui nous mène de l’ALPHA à l’OMEGA à travers des mutations successives, c’est bien la dimension christique qui est le Chemin, la Vérité et la Vie, parce que la Vie est cette maternité. Les deux premières lettres du mot EMETH, c’est la mère. Et lorsque Pilate demande « Qu’est-ce que la Vérité ? », le Christ ne répond pas, mais Il va se faire crucifier. Il va répondre par son geste, par son être tout entier, accomplissant le mot EMETH.
Dans sa réponse, Dieu dit que le TAV est réservé pour être mis sur le front des hommes restés fidèles à l’accomplissement de la Loi. Et le premier qui reçoit ce signe, c’est Caïn et pourtant, il n’a pas commencé par aller de l’ALEPH au TAV.
Encore une de ces contradictions de la Bible. Caïn a pris conscience de son immense erreur « Mon sort est dramatique, je vais être errant et vagabond sur la terre et quiconque me rencontrera me tuera ! » Dieu, à ce moment-là met le signe sur son front, afin qu’il soit protégé. C’est aussi ce même signe, le TAV, qui a été mis sur le fronton du portail des Hébreux le soir de Pâques quand, dixième plaie d’Egypte, l’Ange exterminateur va exterminer tous les aînés des fils des Egyptiens. Ce signe va protéger les enfants d’Israël.
C’est la marque de ceux qui sont dans cette grande gestation du ALEPH au TAV, parce qu’ils vivent une mort pour une résurrection. Car, s’il y a naissance, c’est bien ce passage de la Mer Rouge.
De même, dans le Livre d’Ezéchiel ou dans l’Apocalypse, sont marqués ceux qui doivent entrer dans le Jérusalem Céleste, donc ceux qui sont arrivés jusqu’au TAV.
Caïn, c’est l’homme qui, même s’il a commis un crime des plus dramatiques, reçoit toujours à nouveau la possibilité de son accomplissement. Dieu va aller le rechercher là où il se trouve pour lui reproposer l’alliance et lui permettre de repartir. Car si le crime de Caïn est abominable, le crime contre l’Esprit est pire encore.
Tout ce qui est mystère pour les Chrétiens, le mystère de l’incarnation, Dieu qui se fait homme, est dû au fait que nous ne sommes pas encore arrivés au TAV. Notre intelligence actuelle ne peut le comprendre, comme elle ne peut définir Dieu, ni la preuve de Son existence. Nous en parlons intellectuellement, mais nous ne pouvons en parler par expérience. Personne, pour l’instant, ne peut parler du TAV.
HET, c’est le non-temps, tandis que ETH, est le temps, la durée qui nous est donnée jusqu’à ce que nous ayons assumé toute la ténèbre et que nous fassions la totale lumière. C’est alors que nous entrerons dans le non-temps ; le HET, que les physiciens nomment « l’ailleurs » et que l’on ne peut encore traduire. Vous trouverez en particulier le ETH dans l’Ecclésiaste où il est dit : « Il y a un temps pour dormir, un temps pour se réveiller, un temps pour vivre, un temps pour mourir, un temps pour semer, un temps pour cueillir, etc… » C’est tout le temps des semailles à la moisson, toute la dualité que nous avons à assumer.
Cet aspect du TAV qui me semble très important, je le relie au quatrième jour de la Création, à la mise en place des deux luminaires dans le Ciel, appelés le « Grand » et le « Petit », et que nous traduisons par « Soleil et Lune ». Mais en fait, cela dépasse de beaucoup le soleil et la lune extérieurs. Ce sont nos lumières intérieures présidant à nos montées dans la lumière et à nos descentes dans la ténèbre.
Par analogie, le TAV est lié à la mise en place des deux Arbres de l’Eden, dans le deuxième chapitre de la Genèse, l’Arbre de Vie et l’Arbre de la Connaissance de la dualité. Cette dualité dans laquelle nous trouvons toute l’incarnation, les deux branches de la Croix. Ces deux luminaires dans la première Genèse sont aussi symboles de l’Espace-Temps.
En hébreu le mot « soleil » est SHEMESH, il contient le SHEM, c’est-à-dire le nom qui est aussi la place, le nom de celui qui a trouvé sa place et vice versa, de celui qui trouve sa place et qui trouve aussi son nom.
Tous les textes bibliques lient la lune au temps. C’est pourquoi je fais ce parallèle avec les deux Arbres de la seconde Genèse qui sont liés à l’espace-temps, l’Arbre de la dualité étant lié à l’espace et l’Arbre de Vie au temps qu’on appelle non-temps.
Le temps et l’espace sont la même réalité, car le temps nous est donné en fonction de l’espace que nous vivons, c’est-à-dire de notre champ de conscience du moment. Et selon les différents champs de conscience auxquels nous accédons, le temps sera différent. Nous le voyons sur le plan psychologique, mais c’est encore bien plus vrai sur le plan spirituel, celui de nos espaces intérieurs. Au fur et à mesure que nous nous élevons, nos espaces intérieurs, le temps, est de plus en plus court. Toutefois il est implacable, rigoureux. Si nous voulons aller trop vite, nous nous cassons la figure !
Mme Langevin : Dans la méditation on perd la notion du temps.
A. de Souzenelle : Parce qu’on entre dans un non-temps. C’est d’ailleurs la seule façon qui nous fasse rejoindre ce lieu privilégié, ce lieu du MI, ce milieu de nous-mêmes.
Une participante : Dans le sommeil aussi on perd la notion du temps.
A. de Souzenelle : Dans le sommeil aussi le temps est totalement différent, l’espace aussi. Ce sont des incursions dans nos profondeurs.
Avant de nous quitter je voudrais vous montrer le premier mot de la Thora, le mot BERESHIT. Il va couronner notre enseignement du ALEPH et du TAV.
Il est absolument inséparable du deuxième mot BARA, BERECHIT BARA ELOHIM. Comment le traduire ? Nous y trouvons la racine REICH qui signifie « la tête », le « principe ». Il reste BEITH, c’est la maison, donc la maison du principe. Le mot est tout entier contenu là, dans ces deux premières lettres. Or qu’est-ce que BAR ? C’est le grain de blé. Nous retrouvons là aussi le Fils, celui qui a à mourir en terre pour renaître, voyez Barabbas. RAB veut dire « la croissance », c’est toute la promesse du fruit, donc toute la vie est contenue là.
Si vous prenez les deux premières et les deux dernières lettres, cela donne : BERIT, c’est-à-dire « l’alliance », l’alliance de feu. Et même si nous prenons le Yod, BERIT, est aussi l’alliance avec l’homme, l’alliance de l’époux avec son épouse, puisque le feu c’est tout l’Eros. C’est donc l’alliance de Dieu-Epoux avec sa Création-Epouse. D’autre part nous avons encore la première et la dernière lettre, BATH, « la fille », la Vierge d’Israël qui contient tout le Principe, qui contient le Yod, le feu, la tête, qui contient tout.
TESHOUVAH est inséparable de SHABAT retourné. C’est « la pénitence », dans le sens de retournement, prise de conscience. Retournement de ceux qui allaient vers la mort et qui remontent vers la vie. C’est encore un aspect de ce mot. On pourrait en trouver d’autres, ô combien ! ALEPH et REICH qui sont les lettres de la lumière, YOD et REICH qui sont les lettres du sacré, de la crainte et du tremblement. Il y a des Qabbalistes qui sont restés des vies entières sur ce seul mot.
Si vous coupez le mot en deux, vous avez d’un côté BARA, créer, et de l’autre SHIT. Créer, c’est mettre en lumière, tandis que le mot SHET, c’est la base, un aspect du repos, du fondement, de l’arrêt, du retour aux Sources, au SHIN. BARA-SHIT-BARA, le rythme à deux temps : créer, se reposer (aller dans les profondeurs), créer à nouveau…
Et puis, il y a ELOHIM, c’est aussi dans les profondeurs ténèbre-lumière-ténèbre. BERESHIT-BARA-ELOHIM SHAMAÏM (les Cieux) ERETZ (la terre, la base). Vous voyez ces deux temps, ce rythme de la phrase ! C’est extraordinaire !
Un autre aspect encore. Autrefois dans la Bible, il n’y avait pas d’arrêt entre les mots, on pouvait donc les séparer à n’importe quel endroit. On pouvait, par exemple, mettre BERESH – ITBARA – BERESH, c’est le même mot pratiquement, le Principe et ITBARA, c’est la forme pronominale du verbe créer. Dans ce cas on dirait : « Dans ce Principe, se créent les Dieux ». C’est le monde divin qui s’auto-crée. C’est intéressant et cela vous ouvre des perspectives immenses.
Un mot hébreu est à prendre comme un joyau, comme un cristal qu’on regarde sous toutes ses facettes et dont on atteint le cœur que lorsqu’on est arrivé intérieurement au TAV. Par la méditation, par la contemplation du mot, c’est-à-dire par le chemin vers le TAV, on arrive à le faire parler, à entrer en communication avec lui, à ce qu’il ouvre une partie de son cœur.
Compte rendu de la rencontre du 16.6.1980
C’est aujourd’hui notre dernière étude des lettres hébraïques. Le temps qui nous est imparti ne nous permet pas d’approfondir les lettres finales, ce qui, n’importe comment, exigerait plusieurs mois, sinon des années, cette étude ne se terminant jamais. Nous allons essayer de dire l’essentiel.Les lettres finales ne sont autres que certaines lettres déjà étudiées et qui ont une valeur et un graphisme différent lorsqu’elles se trouvent à la fin d’un mot. Nous avons vu le TAV la dernière fois, il vaut 400. Or entre le TAV et l’achèvement de toute évolution connue qui se termine par le ALEPH final de valeur 1000, il nous reste à voir les 500, 600, 700, 800 et 900. Le CAPH en est la première, elle vaut 20 au début du mot et 500 en finale où elle va prendre la forme d’un DALETH prolongé. Elle est en général accompagnée de deux petits points qui indiquent qu’elle se prononce « che », prononcé à l’allemande, et « cha », lorsqu’il y a une barre. Exemple : le LAMED plus le CAPH final se disent LECH ou LECHA. C’est l’ordre donné par Dieu à Abram de quitter Our, sa ville natale : « Va ! quitte ton pays ! »
Pourquoi le CAPH a-t-il pour valeur tantôt 20, tantôt 500 ? Je me suis souvent posée la question. Mon avis personnel qui serait à vérifier par des Qabbalistes, c’est que, lorsqu’on arrive aux centaines, on entre dans un plan cosmique, dans un plan de conscience qui n’est pas commun à tous, mais qui est celui de l’homme arrivant à sa réalisation cosmique, c’est-à-dire, à sa réalité.
Qu’est-ce donc que ce CAPH final qui rejoint le 5 par le 500, qui, au début ou à l’intérieur d’un mot a pour valeur 20, et qui signifie « le contenant »? C’est que avec le 5 qui est le souffle et le 50 qui est le poisson, le germe, nous avons le contenu, l’extérieur devient l’intérieur. Dans une certaine mesure cela confirme ce que j’ai dit, car lorsque l’homme est totalement réalisé, l’extérieur devient l’intérieur, l’intérieur devient l’extérieur, la droite devient la gauche, la gauche devient la droite et la droite devient la gauche, etc. Ceci est exprimé dans un très beau logium de l’Evangile de Thomas.
Par ce CAPH essentiellement lié au nombre 2 nous touchons le BEITH, la maison, l’altérité par rapport au 1. Dieu pose un autre que Lui-même. C’est toute la Création, c’est vraiment l’amour de l’autre qui apparaît avec le BEITH. Et, avec le CAPH lié au 20, nous sommes aussi devant ce « Toi », germe de tous les possibles, puisque ce « Toi » est à nouveau là comme une espèce de départ, c’est un germe cosmique. L’homme totalement réalisé n’est encore qu’un germe cosmique qui va réintégrer l’Unité.
LAK(ch)A est l’impératif du mot « aller » et LEK(ch) « Va » dont on a fait un pléonasme en disant « Va, quitte ton pays, va vers celui que Je te montrerai… » et qu’on devrait au contraire traduire par « Va vers toi-même, va vers les profondeurs de ton être… » Dieu ordonne à Abram d’aller vers sa totalité.
Le mot HEK est ce palais de la bouche qui donne toute la théorie des Hekaloth, les demeures mystiques de la Divinité, toute cette série de Palais qui est une grande contemplation mystique chez les Hébreux, puisque cela représente la traversée de toutes les terres intérieures, de toutes les dernières terres, là où l’épouse va se parer de robes toujours plus somptueuses, jusqu’à revêtir la robe de noce.
Faisant suite au HEK, HOSHEK est la ténèbre des grandes profondeurs, c’est ce Palais dans lequel est serti le SHIN, cette pierre précieuse enfouie dans les plus grandes profondeurs de nous-mêmes, que nous ne pouvons atteindre qu’en traversant cette ténèbre. Lorsque le Christ est monté sur le Thabor pour se montrer dans Sa lumière cosmique, Il enjoignit aux Apôtres de n’en rien dire « … jusqu’à ce que le Fils de l’Homme soit descendu aux Enfers est ressuscité. » Le SHIN n’est pas dans la lumière d’en-haut, mais dans les profondeurs dans lesquelles nous avons à descendre pour le trouver.
Le mot MELEK est aussi à retenir. C’est à cause de lui que le MEM et le LAMED ne devaient pas quitter leurs places de choix, MELEK signifiant le « Roi ». « Malkouth » c’est le Royaume, la dernière Séphira. Les deux dernières lettres, MEM et LAMED sont celles qui déterminent la circoncision et le Roi n’est encore, après toutes ces circoncisions, que celui qui est capable de passer par le trou d’une aiguille comme le chameau. C’est la dernière réalisation de l’homme qui donc, se fait germe. Le Roi est celui qui se refait germe cosmique, qui se fait tout petit.
Nous avons étudié le genou, BEREK, avec le symbolisme du corps. BAR que nous retrouvons là, est le grain de blé et aussi le fils. C’est le grain de blé qui doit mourir en terre pour ressusciter. C’est le même mot qui est prononcé BROUK et qui est « la bénédiction ». Pourquoi ? Parce que les deux genoux sont les deux petites couronnes, les rotules qui déjà au départ, promettent la couronne unique en-haut. Le 2 qui est lié au 1, est aussi lié à la terre, car il n’y a pas de bénédiction, de puissance passée à quelqu’un, sans que celui-ci mette genoux à terre. C’est l’homme qui est essentiellement relié par le genou au Ciel et à la Terre. Le genou est aussi lié à une notion de naissance, car lorsqu’au cours de notre vie, nous avons à faire des naissances, elles entraînent souvent des répercussions dans les genoux.
Retenons encore le mot DEREV, « le chemin ». Nous y trouvons la racine DOR qui signifie « le cycle », donc la notion du temps. Ce daredare que nous avons traduit par « vitesse ». C’est aussi le mot qui signifie « épine » le temps qui va devenir pour nous une épine en agissant sur le vieillissement, l’usure, alors qu’il nous est donné pour traverser tous les champs de conscience. Et lorsque le chemin est accompli, c’est la fin des temps, des « cycles ».
Passons à présent au MEM final qui s’écrit en carré et qu’il ne faut pas confondre avec le SAMEK, et qui a pour valeur 60. Le MEM vaut 40 et le MEM final 600.
Nous retrouvons dans le 40 la notion de « matrice », alors que le 6 est au contraire l’homme droit, le crochet, le VAV, celui qui relie le Ciel et la Terre en même temps que tous les éléments de la Création, et que le 60 représente l’Arbre, ce sur quoi le monde s’appuie. Nous sommes donc loin de la matrice, nous sommes dans quelque chose qui est déjà formé, déjà réalisé. Ce qui était matrice, devient Arbre complet qui, ayant donné toute sa sève, arrive à son épanouissement et a pour valeur 600. C’est pourquoi toute cette connaissance de 666 qui est le MEM final, nous met devant un nombre d’Homme totalement accompli qui est passé par toutes les phases, qui a fini de naître à lui-même, ayant passé par toutes les maternités, toutes les parties et qui entre à ce moment-là dans le Royaume.
Le mot EM, c’est « la mère ». Il peut se prononcer de deux manières : IM qui veut dire « avec » et AM qui veut dire « le peuple ». Le peuple non dans sa signification sociale, mais dans celle de masse indifférenciée. L’un assume la maternité, l’autre le peuple. Nous savons tous que la foule, étant inconsciente, est considérée comme dangereuse. Il suffit qu’il y ait un meneur pour qu’elle le suive. Et quand la peur la prend, elle ne se connaît plus, elle devient folle. La foule est liée a l’inconscient, elle n’a pas encore commencé à faire sa descente dans les profondeurs pour pouvoir se contrôler, pour devenir véritablement mûre. Lorsque l’humanité toute entière sera consciente, elle sera en marche. C’est le conscient lié à l’inconscient, puisque c’est un accouchement successif. L’inconscient par rapport à OLAM « le monde » est encore dans une matrice, est encore dans la ténèbre.
En ajoutant un LAMED au milieu de EM nous avons ELEM qui veut dire « la vierge » ou « l’homme vierge » au masculin, c’est-à-dire la jeune fille ou le jeune homme encore nubiles. Pour l’Hébreu il ne s’agit pas dé virginité physique, mais essentiellement de cette descente, de ce mariage avec nous-mêmes, ce LAMED encore prisonnier de AM, c’est-à-dire de son inconscient, n’a pas encore commencé à vibrer.
Et quand ce mot est prononcé OLAM, c’est « le monde » extérieur qui est encore vierge parce que encore lié au peuple, il n’a pas encore commencé à faire sa naissance dans les profondeurs. Il indique aussi une notion du temps, d’un temps indéfini, qui n’en finit pas et qu’on traduit d’une façon erronée par « éternellement ». L’éternité est transcendante au temps. Il peut y avoir un temps qui n’en finit pas sans être pour cela éternel. L’éternité est une qualité de non-temps.
Lorsqu’après la chute Dieu dit « Voici l’Homme est devenu comme l’un d’entre nous pour la connaissance du bien et de son contraire. Empêchons-le maintenant d’avancer sa main, de prendre l’Arbre de Vie, d’en manger et de vivre éternellement », il serait mieux de dire : « … L’Homme est devenu « comme s’il était Un », empêchons-le maintenant d’avancer sa main, de prendre l’Arbre de Vie, d’en manger, de peur qu’il ne vive éternellement ». C’est-à-dire de vivre OLAM.
Dieu va le protéger et le remettre à zéro pour qu’il recommence le chemin qu’il a pris de travers, croyant qu’il était déjà arrivé. Or s’il mange de l’Arbre de Vie il va se figer dans cette position là et ne pourra jamais prendre conscience de son erreur. Il vivra indéfiniment dans le temps sans passer à l’éternité. Il restera toujours vierge. Ce n’est pas une punition de Dieu, mais une protection. L’homme reste AM au lieu de rentrer dans la fonction de EM. Et lorsque nous avons pris conscience d’être AM, le AYIN se transforme en ALEPH et nous commençons tout le travail de EM. Le monde aussi entre alors en vibration et c’est pourquoi il peut devenir, se transformer. Le monde tout entier peut devenir l’épouse.
Je vous rappelle que le nom de la lettre MEM est MAÏM, les Eaux… Les Eaux sont la réunion du monde du MI avec le monde du MA.
Qu’est-ce qu’entrer dans le MEM final ? Le mot qui s’impose là, c’est SHEM. On ne peut parler du SHIN sans parler du SHEM, « le nom ». Cette pierre précieuse, le SHIN, n’est autre que le Nom, ce que j’appelle le « son-germe » au profond de chacun de nous, au rythme duquel nous sommes modulés et celui qui retrouve ce son devient Dieu, parce qu’il participe au Verbe. Nous sommes là devant le MEM final qui a pour valeur 600 et le SHIN qui a pour valeur 300, ce qui donne 900, la perfection de la Création, l’entrée dans l’Unité, le mariage. Celui qui retrouve son Nom, entre en épousailles.
Au deuxième jour de la Genèse, lorsque les Eaux ont été séparées, Dieu les réunit immédiatement par l’étendue qu’Il appelle SHAMAÏM, que nous traduisons par « Cieux », ce qui ne veut pas dire grand chose. SHAMAÏM est au-dedans de nous, ce sont toutes nos terres intérieures, nos champs de conscience. Si les Eaux sont séparées, elles sont aussi réunies grâce au SHIN qui construit le monde du MA, la charnière entre lui et le monde du MA.
Qu’est-ce que le mot SHAMAÏM sinon celui qui contient le MI et le Nom, SHEM, toutes nos terres intérieures qui ont le secret du Nom, de ce nom qui diffère à chaque niveau, c’est-à-dire qui a une autre vibration. C’est ce nom qui a le secret de la participation au monde du MI, grâce à laquelle nous allons monter un échelon de l’échelle.
Le mot SHEMA, « écoute » découle aussi bien de SHEM que du MEM. En ajoutant un YOD devant SHEM nous avons VAYASEM et là le SHEM devient SOM qui veut dire « place ». Dieu dit en parlant d’Adam : « VAYASEM SHAM » (Sham = là-bas), « Il a sa place là-bas ». Nous n’avons notre place que quand nous trouvons notre Nom. Or nous cherchons notre place au soleil extérieur pour nous sécuriser. Laissons-nous conduire à notre place en nous désécurisant par rapport à un tas de petites volontés. On veut ceci, on veut cela. Non, laissons-nous conduire et là, tout à coup, tout se met en œuvre et on est en sécurité.
La lettre PHE veut dire « bouche », donc aussi « la parole » et « la tradition » et le mot PHO veut dire « ici » et SHAM, « là-bas » : Si vous entrez dans la tradition, vous entrez dans votre Nom : SHAM SHEM.
SHEMESH, le soleil, est aussi issu de SHEM. Et n’oublions pas de considérer le mot SHALOM, « la paix ». C’est le LAMED qui se met en mouvement jusqu’à ce qu’il ait trouvé son Nom. Nous sommes dans des guerres intérieures, dans le monde de la dualité où nous avons à intégrer tous ces conflits intérieurs pour aller jusqu’à notre Nom.
C’est la paix qui nous est donnée par le Christ qui a intégré tous ces conflits. Cette paix n’a rien de commun avec celle que conçoit notre monde actuel. Rappelons encore le verbe QOM en rapport avec la lettre QOV, « le cordon divin », qui est cette sagesse qui est folie à nos yeux. QOM veut dire « se redresser ». C’est le mot que nous trouvons dramatiquement traduit par « se venger » à la fin du Livre de Caïn. Il ne s’agit pas de vengeance, mais de redressement, c’est le pardon, la résurrection, la possibilité de repartir dans la juste direction.
Avec QOM nous avons MAQOM, « le lieu ». Je vous avais dit avec le GUIMEL qui a pour valeur 3 et que j’avais rapproché du troisième jour de la Création, que, lorsque Dieu donne l’ordre aux Eaux d’en-bas de se réunir en un lieu Un, cet ordre divin était représenté par trois mots différents : EL, le nom de Dieu, EHAD l’Unité et MAQOM le lieu qui, à la limite est aussi un nom divin, parce que le dernier lieu, c’est Dieu Lui-même. Le dernier espace ou temps intérieur, c’est YOD-HE-VOV-HE. On pourrait aussi dire que c’est le lieu de la résurrection, de la renaissance.
LEHEM, c’est « le pain » qui nous donne le nom de la ville de BETHLEEM. HAM, c’est « la chaleur », c’est aussi CHAM, un des trois fils, le plus mystérieux, de Noé, celui qui fait l’expérience du mystère de l’intimité du Père. Le père, c’est le mythe de l’inconnaissable. Nous pourrions presque traduire LEHEM dont le LAMED du milieu est toujours la direction en avant, vers le but, par l’énergie que nous donne le pain, en le prenant dans un sens immédiat. Mais on peut aussi le traduire au niveau symbolique par le pain de l’Eucharistie, en particulier pour les Chrétiens, quoique le pain ait été un symbole dès avant le Christ.
En inversant un peu le mot, ce n’est plus le MEM final, c’est MELEK et c’est le « sel », le « manioc ».
Nous voici maintenant au NOUN final qui a pour valeur 700. Nous retrouvons le 7 qui est une plénitude, mais aussi un changement. Et là s’impose le AYIN qui est « le Rien », avec un point en-haut par rapport à la source, à l’œil qui ont le point en-bas. Les deux se rejoignent.
YAYIN avec deux YOD, c’est « le vin ». Tout le symbolisme du Vin, dans toutes les traditions, est « porteur de l’Esprit ». On peut donc dire que le NOUN final, c’est le YOD qui s’incarne.
Le nom de QAÏN, frère d’Abel, porte en lui le YOD. Tous ces mots sont liés au AYIN et au ALEPH qui vaut 1, au YOD qui vaut 10 et au QOF qui vaut 100. QAÏN, comme QANO, « acquérir », est construit sur la racine QEN qui veut dire « le Nid ». C’est le Nid qui est appelé à mettre au monde le YOD, c’est la partie la plus noble du groupe Caïn-Abel. Et quand Caïn tue Abel, il ne peut plus accomplir son YOD qui va être investi au niveau de l’intellect, au niveau de toutes les constructions du monde extérieur, au lieu de construire le monde intérieur. C’est l’origine de toutes les civilisations qui ne peuvent pas tenir, parce qu’elles sont l’œuvre d’un YOD investi tout à l’extérieur.
EBEN, c’est « la Pierre » qui s’incarne dans le monde, c’est donc le Fils. L’Homme, en tant que Pierre, c’est celui qui a conscience d’être le Fils du Père.
C’est pourquoi la pierre est un symbole si fondamental dans toutes les sociétés traditionnelles où, symboliquement, on travaille la pierre, on la polit, on la taille. C’est-à-dire tailler tout ce petit Moi que nous sommes, pour arriver au vrai Moi essentiel qui sera la pierre qu’il va falloir employer à la place des briques (Labenah) dans la construction du Temple. Toute l’histoire de la Tour de Babel est là : « Ils ont pris des briques à la place de pierres ». Il y a un petit mot qui revient trois fois dans l’histoire de la Tour de Babel, c’est AWAH que l’on traduit par « allons », construisons une Tour, faisons-nous un Nom… mais à l’extérieur ! Le ALEPH a disparu, car si c’était encore AWAHA, ce serait l’amour dans lequel communieraient les hommes.
Le mot AMEN est inséparable du mot EVEN. Dans AMEN il y a « Mère ». Certains Evangiles le traduisent par « En vérité, en vérité, je vous le dis… », ce n’est pas une traduction adéquate. AMEN n’est pas un mot, mais une idée, celle d’être en parfaite adéquation avec le plan du mystère. C’est entrer dans le mystère. C’est un mot intraduisible. On le rapproche du OM des Hindous, du Son Primordial qui en est beaucoup plus proche. Nous ne savons plus prononcer le mot AMEN. Il y a des textes qui disent que dans la Synagogue d’Alexandrie qui contenait des milliers de personnes, quand tous prononçaient AMEN (ou OMIN), on avait l’impression que la Synagogue allait s’effondrer, qu’elle entrait elle-même en vibration.
Le mot MINE, c’est « la Provenance » et, quand il y a un YOD au milieu, il signifie « l’Espèce ». C’est le moule du MI qui se fait NOUN final, c’est le monde du MI qui se plante en terre, qui s’incarne.
Passons au PHE final qui vaut 800. Graphiquement c’est un PHE qui, au lieu de revenir sur lui-même, se prolonge par en-bas. Le PHE, c’est « l’ouverture », c’est la bouche et avec le PHE final, c’est l’ouverture en tant que libération, l’ouverture totale.
Le premier mot qui s’impose, c’est ALEPH, la première lettre de l’alphabet. Dieu se fait « bouche cosmique », Dieu entre dans la Création par la tradition.
ALEPH est la lettre la plus étonnante, puisqu’elle est l’animal cornu qui est toute l’information que nous recevons d’en-haut et cette corne par laquelle arrive toute l’information, c’est la future couronne. Dans ALEPH la corne devient couronne.
RAPH, c’est « le médecin » et RAPHO, c’est « je guéris ». RAPHAEL, c’est le « Médecin divin ». C’est aussi la permutation du mot PHAR qui est « le Taureau », qui est cette racine qui exprime la fécondité. Dans nos ports le phare apporte la lumière. RAPH : REICH et PHE final, 200 + 800 = 1000. Le médecin, c’est celui qui amène l’homme à réaliser le 1000 dans lequel il est guéri. Il n’y a qu’un grand problème dans le monde, c’est de résider dans le 1000. Tous les autres sont de faux problèmes.
Dans le même sens, le « Séraphin », SARAPH, c’est celui qui « brûle ». Lorsque, dans le désert, les Hébreux sont piqués au palais par ces petits serpents venimeux, sur la demande de Dieu, Moïse construit le Serpent d’Airain qui est le SARAPH. C’est aussi celui qui guérit, c’est contenu dans son nom. C’est déjà l’ombre de la Croix qui est là tout en profil, puisque le Christ va s’identifier à ce SARAPH.
SARAPH contient les deux lettres de SOPH qui est « la limite ». Si nous voulions guérir il faut entrer dans une limite, changer de têtes successivement pour finalement poser la dernière tête sur nos épaules.
Et c’est pour cela aussi que le verbe YOSOPH signifie « augmenter ». Si tu veux augmenter, grandir, il faut savoir entrer dans des limites. La Loi dit que si nous voulons évoluer, il faut nous engager, faire des choix, YOSOPH donne aussi le nom de Joseph. C’est celui qui préside à l’augmentation et qui, en même temps, observe une limite. C’est Joseph, l’époux de la Vierge qui surveille la matrice et c’est aussi Joseph d’Armathie qui veille sur le tombeau qui est aussi une matrice et aussi une résurrection.
Joseph, fils de Jacob, fait entrer les Hébreux en Egypte où ils sont dans une limite, étant esclave des Égyptiens. Et YAM SOPH, la Mer Rouge, qui est au bout de leur expérience en Egypte, se nomme en hébreu la Mer des Joncs, la Mer de la Fin, c’est aussi le mot que l’on retrouve avec AYIN SOPH, le « Rien » c’est-à-dire l’infini, l’Unique.
OPH, « l’oiseau » est un très beau mot. Lorsque vous sortez des grandes profondeurs du AYIN, de la Ténèbre, c’est l’envol, c’est la libération, PHE.
Le TSADE final qui, dans la dizaine a la valeur 90, vaut 900 lorsqu’il est final. C’est l’hameçon qui plonge dans les profondeurs pour aller chercher le dernier élément qui va faire l’Unité. C’est un peu comme le 9, la perfection à la veille du 10, l’Unité conquise qui implique la perfection. Avec le TSADE final nous retrouvons la même idée.
Le mot qui me vient le plus à l’esprit c’est ERETZ, « la Terre ». Il figure dans le tout premier verset de la Genèse. C’est aussi lui qui, après le second jour de la Création, lorsqu’il y a séparation des Eaux d’en-bas des Eaux d’en-haut, et qu’il y a, le troisième jour, séparation du sec et de l’humide, représente le Sec. La Terre, c’est le sec, mais en même temps elle est inséparable de l’humide ; afin qu’il y ait fécondité. La fécondité naît du mariage de toutes nos Terres intérieures fécondées par nos énergies. Dans ERETZ nous trouvons les deux lettres de la lumière et, avec TSADE, l’opposé, les grandes profondeurs. Ce sont ces Terres encore cachées dans les profondeurs qu’il faut aller chercher à l’aide de l’hameçon, afin de les amener à la lumière.
QETZ veut dire « la Fin » dans le sens d’accomplissement. Si d’ailleurs vous mettez un YOD au milieu de QETZ, cela donne GAYITZ, « l’été ».
Un autre mot fondamental est ETZ, « l’Arbre ». C’est l’autre côté de la source AYIN, c’est ce qui va sortir des racines, qui va s’élever de la Terre et donner des feuilles, des bourgeons et des fleurs.
Nous arrivons à présent à l’ALEPH final qui est vraiment « la Couronne ». Quand RATHO (guérir) qui signifie aussi le destin de l’humanité malade, se termine par un ALEPH, c’est « je guéris ».
Le verbe MAHA, c’est « remplir », c’est la plénitude qui fait suite à toutes ces circoncisions. Car il n’y a pas de plénitude sans circoncisions, sans tailles.
MELAK, avec ALEPH, ce n’est plus le Roi, c’est « l’Ange ». C’est celui qui va apporter toutes les énergies pour en fin de compte, « remplir ».
BARAN, les trois premières lettres de BERESHIT, c’est « créer ». Ainsi la Création comporte son achèvement. Tout est dit dans le mot « créer ». C’est le grain de blé qui va mûrir en terre, et son achèvement.
BA, « pénétrer », est le retour de la Création toute entière à son ALEPH final, qui est aussi l’avenir, le devenir. AV, dans ce sens-là, c’est le Père, c’est-à-dire l’ALEPH qui pose l’altérité, l’autre et l’autre qui retourne vers l’UN, la pénétration, la couronne finale, la Création couronnée.
(Revue Panharmonie. No 181. Mars 1980)