Science de lumière

La conception de l’âme chez les amérindiens Cuna

Les indiens Cuna sont originaires de l'isthme de Panamá.

Il y a beaucoup de choses à savoir avant de comprendre les textes indiens. Ainsi, la langue des chants, des incantations et autres n’est pas la langue parlée, mais en partie une autre langue que les Indiens Cuna ne comprennent certes pas tous.

Dans l’imagination des Indiens Cuna, les histoires delà création jouent un rôle énorme. Chaque chant magique doit être précédé d’une incantation qui parle de l’origine du remède employé, autrement il n’agit pas. Quand, dans les forêts vierges, les Indiens veulent essayer d’attirer vers eux les animaux, ils se baignent dans de l’eau où ils ont mis certaines plantes magiques. Avant le bain une incantation est prononcée par l’homme médecine.

La Purba, l’âme

Purba est le seul mot que les Indiens Cuna possédant tant, soit peu de notions d’une langue étrangère traduisent par âme.

La Purba d’une personne ou la somme de ses purbasest en Quelque sorte son double, en général inyisible.

Dans un chant sûrement très ancien il est dit :

« Ensemble les Purbas quittent le corps, les Purbas des cheveux le quittent, les Purbas des doigts le quittent, les Purbas du cœur le quittent »

De plus, il y est dit que la Purba de l’homme reste en pleurant à l’extrémité du hamac, et se désole de devoir quitter sa femme, sa maison, sa chasse…

Un peu plus, loin le chanteur dit aux esprits qui accompagneront le défunt dans l’Empire des Morts :

« Les Purbas du mort sont prêtes à se lever. Vous ne devez pas laisser quelque Purba. Si vous laissez quelque Purba il y aura du bruit. Si le mort s’est querellé avec sa femme, vous ne devez pas laisser cette Purba, cette querelle».

Plus loin dans le chant, le mort n’est plus appelé Purba, mais Nagibe.

Il est évident que chaque partie du corps de l’homme a plusieurs Purbas, qui toutes ensemble constituent un tout qui est une réplique invisible du corps.

Dans ce chant comme dans quelques autres, qui sont en partie de très poétiques descriptions, on parle du voyage de l’âme à l’Empire des Morts et à travers ce dernier, où la Purba est exposée à tous les dangers possibles et à des destinées merveilleuses. Les dangers traversés, la Purba vit dans l’autre monde de la même manière que dans le premier, quoique dans des conditions bien meilleures et plus heureuses.

Dans certains cas de maladies, surtout quand une personne a eu peur, les Cuna se figurent que la Purba de la personne a été ravie par un démon. Elle peut être emmenée dans la demeure des démons. Ici non plus on ne parle pas de plusieurs Purbas, mais d’une Purba, Le malade dont la Purba est enlevée peut tout de même parler et penser.

Je vais reproduire ici ce qui se raconte sur quelques-uns de ces cas de maladies :

Une femme Cuna avait été une fois à l’embouchure du Rio Nargana. Elle y avait eu peur, et quand elle rentra chez elle elle eut une forte fièvre. Elle chercha à découvrir quelqu’un s’entendant à faire sortir les esprits protecteurs, Nuchus. Mais elle ne comprit malheureusement pas où était sa Purba perdue, et envoya les Nuchus la chercher à l’île Nargana. Quand la famille vit que la femme ne se rétablissait pas, un des proches parents se rendit près de Nèle, le voyant des Indiens Cuna qui habite Ústupu et qui a une excellente réputation pour son pouvoir à découvrir les maladies. Nèle dit que la Purba de la femme avait été ravie quand elle était à l’embouchure du fleuve Nargana, et que les démons avaient déjà emmené sa Purba au second étage des enfers, et qu’on ne pouvait pas la sauver. Ainsi, comme la cause de la maladie de la femme avait été expliquée trop tard, elle mourut.

Les rêves jouent un rôle prodigieusement grand pour les Indiens Cuna lors de la recherche des causes des maladies. Une personne, par exemple, a été malade et rêve d’un endroit où elle s’était trouvée peu avant. Ceci a pour cause que sa Purba a été enlevée à cet endroit précis et y est restée. Certains rêves sont de très sérieux symptômes de maladie.

Une jeune fille de Nargana rêvait beaucoup de personnes mortes. Pérez conduisit à Nèle un esprit protecteur Nuchu, que la jeune fille avait tenu quelques minutes dans ses mains. Nèle expliqua que c’était des démons et non des morts qu’elle avait vus, et dit qu’elle devait se baigner dans une certaine drogue, autrement elle deviendrait folle.

Aussi :

La femme nommée en premier lieu mourut de ce que sa Purba avait été enlevée et non ramenée à temps à son corps. Ici il n’est question que d’une Purba, et on ne dit rien de la manière dont la Purba prisonnière réussit à se délivrer du pouvoir des démons. Mais dès sa mort la Purba commença à errer dans l’Empire des Morts.

Les gens ont plus ou moins de Purba.

Le fait que la Purba peut se détacher du corps alors qu’on est vivant est évident, puisqu’elle peut entre autres être dérobée. Quand dans un rêve on rencontre une personne décédée, d’après Nèle, ce n’est pas sa Purba que l’on voit, mais un démon qui a pris la forme du défunt.

La majorité des Indiens Cuna croient que leur Purba peut se détacher du corps pendant le sommeil ou quand on est évanoui. Il est très commun qu’ainsi les Indiens parlent des différentes sortes d’événements survenus quand, pendant le sommeil, leur âme a quitté leur corps.

Au cours d’un rêve analogue, un Indien apprit que sa fille décédée quand elle était petite avait cinq enfants dans l’autre monde.

Aussi :

Un homme de Nargana alla au village éloigné d’Arquia, où mieux qu’à Nargana les Indiens ont conservé leurs anciennes idées. Il arriva qu’un jour, il tomba d’un arbre et demeura évanoui sur le sol. Aucun des Indiens Arquia ne s’avança pour le secourir, mais ils s’en allèrent . Quand il revint à lui, il demanda pourquoi ils l’avaient laissé sans aide, et ils dirent que c’était pour ne pas effrayer sa Purba, car ils risquaient qu’elle ne revînt pas prendre possession du corps.

Si une personne est un sorcier méchant, un tûkkunedi, il peut pendant le rêve faire du mal à une autre personne. Pourtant les Cuna ne craignent point la Purba d’un sorcier décédé. Il n’est dangereux que de son vivant.

Quand la Purba d’une personne erre dans l’Empire des Morts, elle est exposée à tous les dangers possibles, en punition du mal qu’elle a fait sur la terre. On dit, par exemple, qu’elle est dévorée par des bêtes sauvages. C’est toutefois une erreur de croire que de cette manière sa Purba est anéantie. Elle vit encore. Les Indiens ne peuvent pas concevoir l’anéantissement total.

Ils ne peuvent pas non plus se figurer que la vie dans l’Empire des Morts soit très différente de ce qu’elle est sur la terre. Les morts mangent, boivent, donnent naissance à des enfants, etc. Quand on parle d’eux, on ne les appelle pas Purbagana, mais en général Sîrgan, les vieux. Ceci pour ceux qui sont morts, soit enfants, soit adultes.

Les Indiens Cunas ne croient pas à un abîme entre les hommes et les bêtes, comme les chrétiens.

Les animaux n’ont pas seulement, une Purba mais leurs Purbas sont des hommes.

Parlant par exemple de la purba d’un oiseau, on dit : sîkuidûle, ce qui veut dire « oiseau-homme ». On ne dit jamais qu’un animal s’est transformé en homme, car l’animal est déjà homme sous la forme animale.

Ce raisonnement que les Purbas des animaux sont des âmes d’homme n’empêche pas que même ceux-ci dans l’autre monde peuvent avoir la forme d’un animal. La Purba de certains animaux peut d’une autre manière servir l’homme.

Même les plantes ont une Purba, et ces Purba sont des humains en général des femmes. Pour que le remède fasse effet, il faut connaître l’origine de la plante, comment elle fut enfantée par la première femme. Quand un homme-médecine cherche des drogues dans la forêt, ou les donne à un malade, il ne doit pas coucher avec une femme, car les esprits des plantes qui sont des femmes jalouses s’en vont pour que la drogue n’ait plus aucune valeur.

Le plus important rôle des bons esprits est de lutter contre les mauvais. C’est avec leur aide qu’un homme médecine ramène au corps une Purba ravie par les mauvais esprits.

« Maintenant que le soleil est couché, je vais vous faire mes recommandations. Vous n’êtes pas conseillés pour la première fois, car Dieu vous a dit ce que vous devrez faire, de quelle manière vous retrouverez la Purba dérobée à un humain. C’est pourquoi je vous donne les mêmes instructions de la même façon que Dieu. Comme j’ai appris que la Purba d’une personne avait été ravie par un mauvais esprit, et se trouve maintenant en enfer, que votre équipement soit prêt, pour effrayer les mauvais esprits. Mettez vos bonnets d’or, et emportez des crochets pour soulever les étoffes sous lesquelles les mauvais esprits ont coutume de cacher une Purba dérobée ».

Même les pierres ont une purba. Il semble qu’une personne puisse augmenter sa Purba avec celle des pierres. Pour donner plus de force à sa Purba. Même les Purbas des pierres sont des humains.

Les Indiens Cuna appellent la Purba, l’ombre d’une personne, mais ce serait inexact de considérer cette ombre comme une vraie partie de la Purba humaine. On peut ainsi sans se gêner marcher sur l’ombre d’un autre. Il en est de même pour les plantes et les animaux.

Les Indiens parlent de plusieurs Purbas, qui ensemble forment un tout.

Ce qui est caractéristique pour le mot Purba, c’est qu’il n’est jamais employé pour les mauvais esprits.

Toutes les maladies et la mort sont causées par des mauvais esprits. Ils se trouvent partout dans le soleil, dans la lune, dans les vents, dans les vieux arbres de la forêt, dans les grottes et dans les montagnes inaccessibles, dans les enfers et dans les cieux.

La terre est constituée de huit couches, dans lesquelles habitent les mauvais esprits. De l’autre côté de la huitième couche est un autre monde. Nous avons aussi un ciel au-dessus de nos têtes, formé de huit étages.

Quant à l’origine des mauvais esprits, Nèle a dit qu’avant le grand déluge ils avaient été hommes. Cependant l’origine des punis est inconnue à la plupart des Cuna. Parmi les punis, on distingue, comme ceux qui dérobent la Purba des hommes, et ceux qui entrent dans le corps d’un malade.

Si, par exemple, une personne a des rhumatismes, c’est qu’un certain Pôni  (mauvais esprit) lui a pénétré dans le corps. Les Cuna ne se représentent pas qu’il soit entré un objet étranger, une épine ou autre, dans le corps, mais qu’un démon possède le malade.

Les purbas dérobées par les mauvais esprits peuvent être ramenées au corps. Lorsque la maladie est entrée dans une personne, le mauvais esprit peut être tué ou expulsé par des drogues.

C’est Dieu qui envoie les mauvais esprits, c’est-à-dire les maladies et la mort, aux hommes. C’est par suite Lui qui a créé contre eux les remèdes protecteurs.

D’après un texte de Erland Nordenskiöld

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